L'histoire du Moulin : l'époque moderne (1485-1800)
Cette période charnière couvre plus de deux siècles, du début du règne de Charles VIII aux bouleversements révolutionnaires. Le moulin passe de la propriété religieuse à la propriété privée nobiliaire. De grandes familles seigneuriales se succèdent et modernisent progressivement les installations. C'est aussi l'époque où apparaissent les premiers documents détaillés sur la vie quotidienne au moulin et les conflits liés à l'exploitation des droits hydrauliques.
En cette fin du XVIIe siècle, la Lorraine connaît une période de reconstruction après les troubles de la guerre de Trente Ans. Le Moulin de Bazoncourt, anciennement propriété monastique, entre dans l'ère de la propriété seigneuriale privée. Une transformation profonde de son statut juridique et économique.
Les familles De Ligneville, De Simiane, Des Guillons, De Raffy, Monmerqué, de Courten et Watrin se succèdent, chacune apportant ses propres innovations et adaptations. Cette époque voit également l'apparition des premiers conflits judiciaires documentés. Des tensions économiques et sociales autour de l'exploitation des ressources hydrauliques se révèlent.
1485-1499 - Jacques III D'ESCH et Françoise LE GRONAIX : la fin tragique d'une lignée
En 1485, Jacques III D'ESCH devient maître-échevin de Metz. Il a environ 27 ans, c'est le fils survivant de Philippe II et Comtesse DE WARIZE. Son frère Nicolle, chanoine et trésorier de la cathédrale, a choisi l'Église. Lui prend les rênes de la seigneurie de Bazoncourt et du moulin.
Trois ans plus tard, le 27 mars 1488, il épouse Françoise Le Gronaix. Elle aussi vient d'une famille messine influente : son père Mathieu III Le Gronaix a été maître-échevin en 1468, puis amant de Saint-Marcel vingt ans plus tard. Sa mère s'appelle Marguerite Georges. Françoise apporte sa dot, ses alliances, son réseau. Un mariage classique entre deux familles de l'oligarchie messine.
L'église Saint-Eucaire à Metz, paroisse populaire du quartier d'Outre-Seille
Jacques III ne se contente pas de gérer ses domaines. Il s'investit dans la pierre, dans le patrimoine familial. À Saint-Eucaire, l'une des trois paroisses du quartier d'Outre-Seille, la chapelle Saint-Blaise avait été construite en 1424 par Nicolle Grognat, veuf de Perrette Desch. Soixante ans plus tard, elle n'est encore qu'un espace couvert de bois, sommaire, où reposent déjà plusieurs générations de D'ESCH. Jacques III décide de la transformer. Il la fait voûter, moderniser, embellir. Une entreprise coûteuse qui témoigne de sa volonté d'ancrer la mémoire familiale dans la durée.
L'église Saint-Eucaire elle-même, fondée dans l'Antiquité puis reconstruite aux XIVe et XVe siècles avec son clocher roman préservé, dessert une paroisse populaire. La troisième plus peuplée de Metz en 1445, elle compte surtout des artisans : tanneurs et corroyeurs qui travaillent le cuir, tisserands et teinturiers qui œuvrent le drap, vignerons aussi. Peu de patriciens y habitent. Les D'ESCH font exception. Leur hôtel aristocratique se dresse à proximité de l'église paroissiale, et la chapelle Saint-Blaise devient le lieu de sépulture prestigieux de la famille, un marqueur de leur statut dans la cité.
Son épitaphe, gravée plus tard sur une pierre incrustée dans le mur de cette même chapelle, le dit clairement (l'orthographe du XVe siècle a été conservée) : "Cy-devant gist seigneur Jacques Daix l'Eschevin, fils de seigneur Philippe Daix, Chevalier, et de Dame Comtesse de Warise, sa femme... eslist sa sépulture en cesty lieu où l'autel de ceste chapelle était esté et fit ordonné par la devise de faire volter ceste chapelle comme elle est à présent et mourut le XXIe jour du mois de may, l'an MCCCC et XCIX."
Et puis vient 1499. L'année terrible.
La peste frappe Metz et sa région. Pas la première fois, pas la dernière non plus. Ces épidémies cycliques rythment la vie médiévale, fauchent les familles sans distinction de rang. Les riches meurent comme les pauvres, les seigneurs comme les manants. Peut-être un peu moins vite, grâce à leurs médecins et leurs refuges à la campagne, mais ils meurent quand même.
Françoise tombe malade la première. Elle meurt le 13 mai. Neuf jours plus tard, le 21 ou 22 mai selon les sources, Jacques III la rejoint dans la mort. Onze ans de mariage, deux enfants - Comtesse et Marguerite - et puis plus rien. La chapelle Saint-Blaise, qu'il venait de faire voûter, les accueille tous les deux.
L'épitaphe de la chapelle mentionne sobrement : "mourut de l'épidémie de peste de 1499 quelques jours après son épouse". Quelques mots qui résument le drame. Françoise d'abord, Jacques ensuite, probablement contaminé en la soignant ou en participant aux rites funéraires. Une fin brutale, rapide, qui coupe court à toute transmission directe du savoir meunier et de la gestion seigneuriale.
Les deux filles de Jacques III et Françoise survivent à l'épidémie. Comtesse épouse Nicolle II de Raigecourt, écuyer et seigneur d'Ancerville, qui deviendra maître-échevin en 1530. Marguerite, elle, se marie avec Thiébaut de Gournay, seigneur de Talange, Saulny, Clouange, Vitry. C'est elle qui apporte la seigneurie de Bazoncourt dans la corbeille de mariage.
Ironiquement, Bazoncourt retourne ainsi aux Gournay. La même famille qui la possédait déjà au XIIIe siècle, du temps de Geoffroy Le Gournay et Isabelle De Moyellant. Six générations, environ deux siècles, et la boucle se referme. Le moulin change de mains une fois de plus, mais continue de tourner. Les meules ne connaissent pas les drames humains. Elles broient le grain, été comme hiver, épidémie ou pas.
Pour le Moulin de Bazoncourt, ces années 1485-1499 marquent une période de stabilité technique et de continuité économique, malgré le drame final. Les redevances continuent d'être perçues, les meules continuent de moudre, le système féodal fonctionne. La mort de Jacques III et Françoise ne bouleverse pas l'exploitation quotidienne du site. La transition vers les Gournay se fait probablement en douceur, comme toutes ces successions seigneuriales qui jalonnent l'histoire médiévale du moulin.
Sources : Document MOYEN-ÂGE – RENAISSANCE.txt - Geneanet - Jacques III D'Esch
1508-1545 - Thiébault DE GOURNAY et Marguerite D'ESCH : le retour aux Gournay
Armoiries DE GOURNAY : De gueules à trois tours d'argent posées en bande
Juillet 1511. Un mariage qui boucle la boucle. Thiébault DE GOURNAY épouse Marguerite D'ESCH, fille orpheline de Jacques III et Françoise Le Gronaix, emportés par la peste douze ans plus tôt. Pour Thiébault, c'est un second mariage. Le premier, avec Perrette Roucel en 1497, s'était achevé brutalement le 18 juillet 1508. Treize ans après leurs noces, elle meurt. Lui reste seul avec les enfants.
Thiébault n'est pas n'importe qui. Né vers 1470, fils de François de Gournay - seigneur de Villers-Laquenexy, la Horgne, Sablon, Jouy - et de Perrette de Louve, il grandit dans une des plus anciennes familles de la noblesse messine. En 1503, il devient maître-échevin de Metz. Un poste clé dans la République messine. Vingt-huit ans plus tard, en 1531, il ajoute à son palmarès les titres d'aman et échevin. Autant dire qu'il connaît le système par cœur.
Marguerite d'Esch apporte Bazoncourt dans la corbeille de mariage. Ironie de l'histoire : la seigneurie retourne aux Gournay. La même famille qui la possédait déjà au XIIIe siècle, du temps de Geoffroy Le Gournay et Isabelle De Moyellant. Six générations, environ deux siècles d'écart, et voilà que tout recommence. Entre-temps, les D'ESCH ont régné sur le domaine pendant plus de cent cinquante ans. Maintenant, c'est fini. Le moulin change de mains, mais continue de tourner.
Pour Thiébault, cette union représente bien plus qu'un simple remariage. Il récupère une seigneurie stratégique, un moulin rentable, des terres cultivables. Marguerite, elle, trouve protection et statut. Orpheline depuis l'âge de douze ans, élevée probablement par sa sœur Comtesse (mariée à Nicolle II de Raigecourt), elle vient avec son héritage intact. Le contrat matrimonial règle les détails, comme toujours dans ces milieux.
Thiébault ne vit pas à Bazoncourt. Comme tous les grands seigneurs messins, il a son hôtel en ville. Il vient au moulin pour inspecter, percevoir les redevances, régler les conflits. Le droit de banalité reste en vigueur : les paysans doivent moudre leur grain ici, nulle part ailleurs. Le système féodal fonctionne encore, même si on approche doucement de l'époque moderne. Les meules tournent, les sacs de farine s'accumulent, l'argent rentre.
Entre 1508 et 1545, Thiébault veille à l'entretien du moulin. Pas question de laisser pourrir l'installation. Les roues hydrauliques nécessitent des réparations régulières, les meules s'usent et demandent du rhabillage, les biefs se colmatent et exigent un curage périodique. Tout cela coûte, mais rapporte. Un moulin bien géré, c'est une rente assurée.
Thiébault meurt vers 1545, à environ 75 ans. Une longévité remarquable pour le XVIe siècle. Il laisse la seigneurie de Bazoncourt à son second fils, Jacques DE GOURNAY, né du mariage avec Marguerite d'Esch. Le garçon est mineur. Sa mère Marguerite assure la tutelle, gère le domaine en attendant la majorité de l'héritier.
Pour le moulin, ces décennies sous Thiébault et Marguerite marquent une période de stabilité. Les techniques évoluent doucement - on perfectionne les meules, on améliore les systèmes de vannage - mais le cœur du métier reste identique. Moudre le grain, produire de la farine, alimenter la population locale. Le Moulin de Bazoncourt franchit ainsi le cap du XVIe siècle, survivant aux changements de propriétaires et aux bouleversements politiques qui secouent la Lorraine.
Sources : Document MOYEN-ÂGE – RENAISSANCE.txt - Geneanet - Thiébault de Gournay
1545-1566 - Jacques DE GOURNAY et Catherine DE CHAHANAY : l'alliance lorraine
Armoiries CHAHANAY : Argent à deux lions de sable posés l'un sur l'autre. Cimier : un cygne essoré d'argent, becqué de gueules
Vers 1550, Jacques DE GOURNAY atteint sa majorité. Fils cadet de Thiébault et Marguerite d'Esch, il a grandi sous la tutelle de sa mère après la mort de son père. Maintenant, c'est à lui de gérer l'héritage. Seigneur de Bazoncourt, de Ban-Saint-Pierre et de Jouy, il hérite d'un ensemble cohérent de terres et de droits qui font de lui un personnage important du pays messin.
Quelques années plus tard, il épouse Catherine DE CHAHANAY. Elle vient d'une famille noble lorraine solidement implantée. Son père, Antoine de Chahanay, porte le titre de seigneur de Fiéville. Sa mère s'appelle Aliénor de Dommartin, parfois mentionnée comme Éléonore de Dormange selon les variantes orthographiques de l'époque. Les Chahanay ne sont pas des inconnus dans la région. Leurs armoiries - argent à deux lions de sable posés l'un sur l'autre, avec un cygne comme cimier - témoignent d'une lignée ancienne et respectée.
Catherine naît vers 1545. Elle a une vingtaine d'années de moins que Jacques, écart d'âge courant dans les mariages aristocratiques du XVIe siècle. L'union consolide les alliances entre les grandes familles messines et lorraines. Pour les Gournay, c'est l'occasion d'étendre leur réseau d'influence. Pour les Chahanay, c'est un ancrage supplémentaire dans le pays messin.
Le couple a deux enfants. Jean DE GOURNAY d'abord, l'héritier attendu qui devrait perpétuer la lignée. Puis Anne DE GOURNAY, la cadette. Deux enfants, ce n'est pas beaucoup pour l'époque. Soit la mortalité infantile a frappé d'autres naissances, soit Catherine et Jacques n'ont tout simplement pas eu une nombreuse progéniture. On ne saura jamais.
Pour le Moulin de Bazoncourt, ces années marquent la continuité. Jacques veille à l'entretien de l'installation, perçoit les redevances, maintient les droits de banalité. Le XVIe siècle voit les techniques meunières se perfectionner lentement. On améliore le rhabillage des meules, on optimise les systèmes hydrauliques, on affine les méthodes de mouture. Rien de révolutionnaire, mais une accumulation de petits progrès qui rendent le moulin plus efficace.
Les revenus du moulin restent essentiels pour maintenir le train de vie seigneurial. Jacques, comme ses ancêtres, ne réside pas en permanence à Bazoncourt. Il a son hôtel à Metz, participe aux affaires de la République messine, gère ses différentes seigneuries. Le moulin, c'est une source de revenus stable, un pilier économique du domaine, mais pas un lieu de vie quotidienne.
Jacques meurt en 1567, à un âge qu'on ne connaît pas précisément. Probablement entre 40 et 50 ans, si on estime qu'il est né vers 1520-1525, pendant le mariage de ses parents. Catherine se retrouve veuve avec deux enfants en bas âge. Jean a peut-être dix ans, Anne un peu moins. La situation classique des veuves aristocratiques : gérer l'héritage, protéger les droits des enfants mineurs, assurer la transition jusqu'à leur majorité.
Quelques mois plus tard, le 31 janvier 1567 à Metz, Catherine se remarie avec Nicolas DE BRIEY DE LANDRES. Un remariage rapide, presque immédiat. Pas vraiment surprenant pour l'époque. Une femme seule, avec deux jeunes enfants et des domaines à gérer, a besoin d'un protecteur, d'un gestionnaire, d'un mari. Nicolas apporte sa force, son expérience, ses relations. Catherine, elle, conserve ses droits sur les biens de Jacques et assure l'avenir de Jean et Anne.
Ce second mariage n'affecte pas directement la seigneurie de Bazoncourt, qui reste propriété des enfants de Jacques. Mais il stabilise la situation, permet une gestion plus sereine des domaines pendant la minorité des héritiers. Catherine vivra encore trente et un ans après ce remariage. Elle meurt le 6 octobre 1598 à Fléville-Lixières, à l'âge d'environ 53 ans. Elle est inhumée dans cette même commune, lieu probablement lié à ses origines familiales par les Chahanay.
Entre-temps, le drame a frappé. Jean DE GOURNAY, l'héritier tant attendu, meurt sans descendance. Quand ? On ne sait pas exactement. Avant 1590, en tout cas, puisque c'est sa sœur Anne qui héritera de Bazoncourt. La lignée masculine des Gournay s'arrête là, avec Jean. Encore une fois, le moulin change de mains par les femmes. Anne épousera Charles de Ligniville le 11 janvier 1590, apportant dans sa corbeille la seigneurie de Bazoncourt et tous les droits qui y sont attachés.
Pour le moulin, ces décennies 1545-1590 représentent une période de transition dynastique relativement stable. Les changements de seigneurs n'affectent pas le fonctionnement quotidien. Les meules continuent de tourner, les paysans continuent d'apporter leur grain, les revenus continuent d'affluer. Le système féodal montre ici sa résilience : peu importe qui possède le moulin, l'exploitation se maintient. Les techniques se transmettent de meunier en meunier, indépendamment des bouleversements familiaux qui secouent la noblesse.
Sources : Document MOYEN-ÂGE – RENAISSANCE.txt - Geneanet - Jacques de Gournay - Geneanet - Catherine de Chahanay
1574 : Confirmation dans l'archiprêtré de Varize - Pouillé de Metz
Ancien pouillé de metz – 1574
Eccl. de Basoncourt, pa domina abbatissa St Petri ad moniales metensis.
1574 : Le pouillé de 1574 confirme la situation administrative établie depuis 1360 : Bazoncourt demeure rattaché à l'archiprêtré de Varize tout en conservant ses liens institutionnels avec l'abbaye Saint-Pierre. La mention latine "Eccl. de Basoncourt, pa domina abbatissa St Petri ad moniales metensis" indique clairement que l'église de Bazoncourt relève de madame l'abbesse de Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz.
Cette formulation révèle la complexité du système ecclésiastique de l'époque : si l'administration paroissiale dépend de l'archiprêtré de Varize, la propriété des biens temporels (incluant le moulin) et la nomination du curé demeurent prérogatives de l'abbesse de Saint-Pierre. Cette dualité administrative témoigne de l'ancienneté des droits de l'abbaye sur Bazoncourt, remontant au transfert de 1139.
Cette confirmation de 1574 garantit la continuité des droits seigneuriaux de l'abbaye Saint-Pierre sur le Moulin de Bazoncourt. Les revenus de la banalité, les redevances et les droits hydrauliques restent sous l'autorité abbatiale, assurant la stabilité juridique nécessaire aux investissements techniques de l'époque moderne.
Ce pouillé s'inscrit dans l'effort de clarification administrative consécutif au concile de Trente (1545-1563). La précision des mentions reflète la volonté de l'Église de mieux définir les juridictions et les responsabilités, particulièrement importantes dans une région frontière comme la Lorraine où coexistent différentes souverainetés.
Cette période marque ainsi la consolidation du statut juridique du moulin sous l'autorité de l'abbaye Saint-Pierre, préparant les développements techniques et économiques des siècles suivants.
Sources : ADM 19 J 715 (36,4 Mo)
1590 - Charles Henri DE LIGNÉVILLE et Anne DE GOURNAY : l'entrée dans la grande chevalerie lorraine
Armoiries LIGNÉVILLE : Losangé d'or et de sable. Cimier : une tête de bœuf de sable, accolé d'or
Le 11 janvier 1590, à Metz. Un mariage qui fait entrer Bazoncourt dans l'une des quatre grandes maisons de la chevalerie de Lorraine. Anne DE GOURNAY, née en 1559, orpheline de père depuis plus de vingt ans, épouse Charles Henri DE LIGNÉVILLE. Elle a 31 ans, lui 30. Pas de première jeunesse pour l'époque, mais deux héritiers avec chacun son bagage.
Anne apporte Bazoncourt dans la corbeille. Son frère Jean est mort sans descendance, elle reste seule héritière des biens de Jacques de Gournay et Catherine de Chahanay. Le moulin, les terres, les droits seigneuriaux, tout lui revient. Un bel héritage qui attire forcément les prétendants.
Charles Henri de Lignéville n'est pas n'importe qui. Né en 1560, il appartient à la famille de Lignéville, l'une des quatre maisons de la grande chevalerie de Lorraine avec les du Châtelet, les Haraucourt et les Lenoncourt. Une position qui compte. Pour avoir entrée aux Assises ou États de Lorraine, il faut être issu de l'une de ces quatre races, même par les femmes. Le droit de pairie primitive leur est réservé. On ne plaisante pas avec ces privilèges.
Les Lignéville portaient autrefois le nom de Rosières. Jusqu'à la fin du XIIIe siècle, quand le duc Ferry de Lorraine racheta la ville et les salines de Rosières aux différentes branches de la famille. C'est là qu'ils adoptèrent le nom de Lignéville, leur principale terre restante. Une famille qui remonte peut-être à Oderic, frère de Gérard d'Alsace, premier duc héréditaire de Lorraine. Ou aux anciens comtes de Metz. Les généalogistes se disputent, mais tous s'accordent sur l'ancienneté de la lignée.
Charles Henri cumule les titres : chevalier, seigneur de Tantonville et de Graux, chambellan du duc de Lorraine, bailli du comté de Vaudémont. Des fonctions qui le placent au cœur du pouvoir ducal. Le bailli de Vaudémont, ce n'est pas rien. Il représente l'autorité ducale dans tout le comté, rend la justice, perçoit les impôts, commande les troupes. Une charge qui rapporte et qui compte.
Le couple s'installe probablement à Tantonville, le fief principal des Lignéville. Bazoncourt devient une seigneurie parmi d'autres dans leur patrimoine. Le moulin continue de tourner, géré à distance. Un régisseur sur place, des comptes rendus réguliers, des visites occasionnelles pour vérifier que tout fonctionne. Le système classique de la noblesse lorraine qui accumule les domaines.
Anne et Charles Henri ont deux enfants. Anne de Lignéville née en 1590, l'année même de leur mariage. Puis Ferry, le fils tant attendu qui perpétuera le nom. Deux enfants qui survivent, c'est déjà bien pour l'époque.
Charles Henri meurt en 1610, à 50 ans pile. Une vie bien remplie au service du duc de Lorraine. Anne lui survit presque vingt ans. Elle s'éteint le 21 mars 1629 à Tantonville, à l'âge de 70 ans. Une longévité remarquable qui lui permet de voir son fils Ferry reprendre les rênes et perpétuer la lignée.
Pour le Moulin de Bazoncourt, ces années 1590-1610 marquent le passage dans le giron d'une des plus grandes familles de Lorraine. Les Lignéville ont les moyens d'entretenir et de moderniser l'installation. Le moulin bénéficie de leur puissance, de leur réseau, de leur protection. Un atout dans une Lorraine secouée par les guerres et les conflits qui s'annoncent.
Sources : Geneanet - Famille de Lignéville
1629-1640 - Ferry DE LIGNÉVILLE et Marie DE CHOISEUL : le comte du Saint-Empire
Le 11 septembre 1623. Un contrat de mariage devant les notaires Langlois et Thibaud qui unit deux grandes familles. Ferry DE LIGNÉVILLE, quatrième du nom, épouse Marie DE CHOISEUL. Lui porte le titre de comte du Saint-Empire romain, une distinction rare qui le place au sommet de la hiérarchie nobiliaire. Elle vient de la puissante maison de Choiseul, fille de Maximilien, baron de Meuvy et de Meuse.
Ferry a hérité d'un patrimoine impressionnant. Comte de Tantonville et de Graux, seigneur de Bazoncourt et de Jouy, il cumule les possessions. Mais ce n'est pas qu'un propriétaire terrien. Gentilhomme de la chambre de François de Lorraine, comte de Vaudémont, il évolue dans les plus hautes sphères du pouvoir. Conseiller d'État, bailli de Nancy, il participe aux grandes décisions du duché.
Armoiries CHOISEUL : D'azur à la croix d'or cantonnée de vingt billettes du même
Les années 1620-1630 voient Ferry au sommet de sa carrière politique. Député aux assises de Nancy en 1618, 1619 et 1620, il fait partie du cercle restreint qui gouverne la Lorraine. En 1626, il assiste à l'entrée solennelle de Charles IV, le nouveau duc de Lorraine, à Nancy. Un événement majeur où la noblesse lorraine déploie ses fastes. Ferry y tient son rang, parmi les premiers du duché.
Mais ces années sont aussi celles des guerres. La guerre de Trente Ans ravage l'Europe, et la Lorraine se trouve prise dans l'étau entre la France et l'Empire. Charles IV, duc belliqueux, multiplie les alliances hasardeuses. Ferry de Lignéville se distingue dans les armées ducales. Un seigneur qui sait manier l'épée autant que la plume.
Le Moulin de Bazoncourt traverse ces temps troublés. Les armées passent et repassent, françaises, lorraines, impériales, suédoises même. Chaque passage signifie des réquisitions, des pillages parfois. Le moulin, installation stratégique pour nourrir les troupes, devient un enjeu. Ferry doit naviguer entre les camps, protéger ses biens, maintenir l'activité malgré les destructions.
Marie de Choiseul lui donne trois enfants, mais le destin frappe cruellement. Maximilien meurt jeune. Françoise-Didonnée aussi. Ne survit qu'Anne-Claude-Renée, née vers 1627, qui deviendra l'héritière universelle de cette branche des Lignéville. Une fille unique qui portera tout le poids de l'héritage familial.
Ferry meurt en 1640 à Douai, loin de ses terres lorraines. La guerre l'a probablement poussé à l'exil, comme tant de nobles lorrains fidèles à Charles IV. Son épitaphe, conservée dans la chapelle seigneuriale de Tantonville, rappelle ses qualités et ses titres. Un homme de son temps, pris dans les tourments de la guerre de Trente Ans.
Marie de Choiseul meurt bien plus tard, le 6 mars 1673 à Tantonville. Trente-trois ans de veuvage, pendant lesquels elle gère les domaines, protège l'héritage de sa fille, traverse les occupations françaises. Une femme forte qui maintient le patrimoine familial malgré les bouleversements.
Leur fille unique, Anne-Claude-Renée, épouse en 1648 Anne-Claude de Simiane, comte de Mouchan. Elle apporte dans sa corbeille tous les biens des Lignéville, y compris la seigneurie de Bazoncourt. Elle vivra jusqu'en 1713, mourant à Paris à 86 ans. Avec elle s'éteint cette branche des Lignéville, et Bazoncourt passe aux Simiane, puis sera vendu en 1693 à la famille de Grey.
Le moulin aura donc appartenu aux Lignéville pendant un peu plus d'un siècle, de 1590 à 1693. Un siècle mouvementé qui voit la Lorraine perdre son indépendance, subir les ravages de la guerre de Trente Ans, passer progressivement sous contrôle français. Le moulin survit à tout cela, continuant imperturbablement à moudre le grain pour nourrir les populations, qu'elles soient lorraines ou françaises.
Sources : ADM - Contrat de mariage Lignéville-Choiseul 1623
1640 - 1684 : Edmé Claude DE SIMIANE DE MONCHA et Anné Claude Renée DE LIGNÉVILLE
Propriétaire (1640 - 1691) : Edmé Claude DE SIMIANE DE MONCHA (décédé avant le 22 octobre 1691), Haut et Puissant Seigneur Messire, Comte de Moncha, gouverneur des villes et citadelle de Valence, sénéchal du Valentinois
Épouse : Anné Claude Renée DE LIGNÉVILLE (vers 1632 - 15 décembre 1715 à Paris), Haute et Puissante Dame, fille unique héritière de Ferry DE LIGNÉVILLE et Marie DE CHOISEUL
Le 26 mars 1648. Anné Claude Renée DE LIGNÉVILLE, fille unique héritière de l'une des plus illustres familles lorraines, épouse Edmé Claude DE SIMIANE, comte de Moncha. Elle a seize ans à peine. Lui apporte dans la corbeille de mariage un patrimoine considérable : les seigneuries de Tantonville, Graux, Bazoncourt et Jouy. Toute la fortune des Lignéville passe ainsi aux Simiane.
Cette union scelle une alliance entre deux mondes. Les Simiane, famille dauphinoise solidement implantée dans le Valentinois, rejoignent la noblesse lorraine. Edmé Claude, gouverneur des villes et citadelle de Valence, sénéchal du Valentinois, cumule les responsabilités militaires et administratives. Un homme du roi, fidèle serviteur de Louis XIV dans une province stratégique.
Armoiries SIMIANE : De gueules au lion d'argent
Mais le couple ne réside pas en Lorraine. Leur vie se partage entre le Dauphiné et Paris, loin des terres lorraines qui constituent pourtant l'essentiel de leur fortune. Bazoncourt et son moulin deviennent des biens lointains, gérés par des intendants, exploités pour leurs revenus mais rarement visités par leurs propriétaires. Cette situation d'absentéisme seigneurial caractérise l'évolution de la noblesse française au Grand Siècle.
Le mariage intervient dans une période particulièrement difficile pour la Lorraine. Les traités de Westphalie (1648) viennent de mettre fin à la guerre de Trente Ans, mais la région reste profondément marquée par les destructions. Les armées françaises occupent la Lorraine depuis 1633, et le duc Charles IV erre en exil, tentant vainement de reconquérir son duché.
Pour les Simiane-Lignéville, cette situation présente un double défi. D'un côté, leur fidélité au roi de France les protège et leur assure revenus et honneurs. De l'autre, leurs possessions lorraines subissent les contrecoups de l'occupation militaire et de l'instabilité politique. Le Moulin de Bazoncourt traverse ces années troubles en maintenant tant bien que mal son activité, indispensable pour nourrir les populations locales.
Sans présence directe des seigneurs sur place, le moulin fonctionne selon un système rodé de délégation. Des intendants locaux perçoivent les redevances de la banalité, surveillent l'entretien des installations, règlent les différends entre le meunier et les habitants. Les revenus remontent régulièrement vers le comte de Moncha, finançant son train de vie en Dauphiné et ses dépenses parisiennes.
Cette gestion à distance n'empêche pas une exploitation efficace. Le droit de banalité reste en vigueur : tous les habitants de Bazoncourt et des environs doivent obligatoirement moudre leur grain au moulin seigneurial, sous peine d'amendes. Ce monopole assure des revenus stables et conséquents, même en période de troubles.
Edmé Claude DE SIMIANE meurt avant le 22 octobre 1691, probablement à Valence où il exerçait ses fonctions. Il laisse Anné Claude Renée veuve, sans héritier direct à qui transmettre les biens lorrains. La comtesse survit encore vingt-quatre ans, résidant principalement à Paris où elle meurt le 15 décembre 1715, à l'âge vénérable de 83 ans.
Avec elle s'éteint la branche des Lignéville, cette illustre famille lorraine qui avait possédé Bazoncourt depuis plus d'un siècle. Les héritiers Simiane, moins attachés aux terres lorraines que ne l'avaient été les Lignéville, décident de vendre le domaine. En 1684, déjà du vivant de la comtesse, la seigneurie de Bazoncourt passe à Pierre Des Guillons, marquant la fin de l'ère Lignéville-Simiane.
Cette vente illustre une transformation profonde de la propriété seigneuriale. Les grandes familles de l'ancienne noblesse lorraine, dispersées par les guerres et l'annexion progressive de la Lorraine par la France, cèdent progressivement leurs biens à une nouvelle classe : la bourgeoisie d'affaires messine, enrichie dans le commerce et la finance.
Pour le Moulin de Bazoncourt, cette période Simiane-Lignéville (1640-1684) représente une phase de transition. La propriété monastique médiévale a définitivement disparu, remplacée par la propriété nobiliaire privée. Mais cette propriété elle-même évolue : d'un ancrage local et familial fort (les Lignéville étaient lorrains), on passe à une possession absentéiste et financière (les Simiane gouvernent en Dauphiné). Cette évolution prépare les mutations ultérieures vers une exploitation plus capitaliste du moulin.
Le moulin continue pourtant de tourner, imperturbable. Les meules broient le grain, le meunier perçoit son dû, les paysans apportent leurs sacs. Les révolutions politiques et les changements de propriétaires n'affectent guère le rythme quotidien de la meunerie, ancrée dans les cycles naturels et les besoins alimentaires de la population locale.
Sources : Geneanet - Edmé Claude DE SIMIANE - Anné Claude Renée DE LIGNÉVILLE
1684 - 1705 : Bazoncourt et son moulin dépendent de Ban Saint-Pierre
Propriétaire (vers 1647 - ?) : Pierre DES GUILLON Seigneur d'Angecourt, de Bazoncourt et de Poise
Épouse : Madeleine FERRY (vers - 8 mars 1676 à Metz)

Pierre Des Guillons représente parfaitement la noblesse lorraine de la fin du XVIIe siècle. Né vers 1647 à Metz dans une famille protestante, il épouse en 1676 Madeleine Ferry à la paroisse protestante de Metz, alors qu'il était présumé veuf à 29 ans. Ce mariage illustre les alliances entre familles de la bourgeoisie messine.
Seigneur de trois domaines (Angecourt, Bazoncourt et Poise), Pierre Des Guillons incarne l'ascension sociale d'une famille qui a su prospérer dans le commerce et acquérir des terres nobles. L'acquisition de la seigneurie de Bazoncourt vers 1690 marque l'apogée de sa réussite sociale, lui donnant le contrôle d'un territoire stratégique avec son château, son moulin et ses droits seigneuriaux.
1. Le château et maison forte appartenances et depences avec le village ban et fermage, du... avec ses bassecourt appartiennent à Mont dit seigneur Dangecour en tout droit de seigneurie de haute justice
2. Il appartient au dit Seigneur Dangecour ... droit de propriété et seigneurie la rivière la Nied qui commence depuis le rupt Ellvon jusqu'à la letraix con.... jusque le s..éé de la mors... ou il y à letraix Le dernier chapitre dept lann... seigneur de Sanry her...
3. Il m'appartient et dépend de la ditte Seigneurie Le moulin construit sur la dite rivière en tout droit de propriété et seigneurie et laisse tous les habitants obligé de moudre leur blé et non ailleur a paix d'amande et domage et interret comme banal tenttant les habitants du dit Bazoncour.
Tous les articles contenus au presant denombrement consistant en septante-quatre articles concernant en tout qu'il a plus son représentant... ce que nous certifions et n'aurais diminiué ce que messe fasse au chateau de Bazoncour le huitieme decembre 1693
La famille Des Guillons s'inscrit dans les réseaux de l'élite messine. Pierre fait baptiser sa fille Antoinette en juin 1689, témoignant de la continuité familiale malgré les difficultés liées à la révocation de l'Édit de Nantes (1685). Entre 1677 et 1689, plusieurs enfants naissent : Madeleine, Marie, Esther (qui décède en bas âge), Anne. Sa fille Anne, née en 1684, décèdera à Sedan en 1744, révélant peut-être des déplacements liés aux persécutions religieuses.
Les alliances matrimoniales de la famille (notamment le mariage de Madelaine-Elisabeth Des Guillons avec François Farcy en 1670) montrent l'intégration de cette lignée dans la bourgeoisie régionale.
Carte - Estats entre la Nied la Sare et le Rhin ou sont la Lorraine allemande le duché de Deux Ponts, les comtés de Bitsche, de Spanheim et de Linange, partie du Palatinat méridional, l'entrée en Alsace et en Lorraine par les villes de Sarlouis de Hombourg de Landau et leurs environs par Henri Sengre - 1692
L'acquisition de Bazoncourt par Pierre Des Guillons vers 1690 s'inscrit dans un mouvement plus large de sécularisation des biens monastiques. Après des siècles d'appartenance à l'abbaye Saint-Pierre de Metz, le domaine passe dans les mains de la noblesse privée, marquant une transformation profonde du système économique local.
Le passage de la propriété monastique à la propriété seigneuriale privée transforme radicalement le statut juridique et économique du moulin. Les moines-propriétaires cèdent la place à des seigneurs entrepreneurs.
Cette acquisition coïncide avec la période de reconstruction qui suit la guerre de Trente Ans. La Lorraine, dévastée par les conflits, connaît un renouveau économique sous l'influence française. Les nouveaux propriétaires investissent dans la modernisation des installations et l'amélioration de la productivité.
Sources : (ADM B 4840)
1705 - 1725 - François DE RAFFY et Marguerite GEOFFROY : les parlementaires parisiens
Propriétaire (1705 - 25 février 1725) : François DE RAFFY - Conseiller du Roi et Recepteur général des domaines et des bois, Secrétaire du Roi
Épouse (1687 - 1715) : Marguerite GEOFFROY, fille de Bernard GEOFFROY, conseiller au parlement de Metz
Armoiries RAFFY : D'argent au chevron d'azur, accompagné en chef de deux étoiles de gueules et d'un croissant de même en pointe
Avec François DE RAFFY, le Moulin de Bazoncourt entre dans l'orbite des grands commis de l'État. Pas de noblesse d'épée ici, mais celle de la robe et de l'administration. Celle qui bâtit l'appareil d'État monarchique, contrôle les finances royales, gère les immenses forêts du domaine. Une noblesse de bureaux et de charges vénales, mais qui n'en est pas moins puissante.
En 1687, François obtient la charge de Conseiller du Roi et Recepteur général des domaines et des bois. Un titre ronflant qui cache une réalité bien concrète : il contrôle les coupes de bois, perçoit les revenus domaniaux, surveille l'exploitation des forêts royales dans le ressort du parlement de Metz, Luxembourg et comté de Chiny. Une zone frontalière, stratégique, où chaque arbre compte pour la marine ou les fortifications. L'argent coule, et François en gère les flux.
Huit ans plus tard, en 1695, il franchit un palier. Il devient Secrétaire du Roi. L'une des positions les plus convoitées de l'administration. Une charge vénale, certes, qu'on achète à prix d'or. Mais elle confère la noblesse et ouvre les portes de la cour. François rejoint le cercle fermé de ceux qui font tourner la machine administrative du royaume, loin des champs de bataille mais tout aussi essentiels au pouvoir.
Le 20 octobre 1687, François épouse Marguerite GEOFFROY dans l'église Saint-Martin de Metz. Un mariage stratégique, comme tous les mariages de cette classe. Marguerite, née le 27 septembre 1654, vient d'une famille solidement ancrée dans la magistrature messine. Son père Bernard est conseiller au parlement de Metz, l'une des positions les plus en vue de la région. Les RAFFY, administrateurs royaux, s'allient aux GEOFFROY, magistrats parlementaires. Deux faces du même pouvoir, deux familles qui cumulent charges, fortune foncière et prestige.
Acte de mariage de François DE RAFFY et Marguerite GEOFFROY
De cette union naissent au moins trois enfants. Antoine Alexis RAFFY de Monchavet, né le 20 juin 1696, suivra les traces paternelles. Le 23 mai 1719, il devient à son tour conseiller au parlement de Metz. La tradition familiale se perpétue, de charge en charge, de génération en génération. Une dynastie administrative plutôt qu'une lignée guerrière.
Le 2 octobre 1705, François acquiert la seigneurie de Bazoncourt lors d'un décret d'adjudication du baillage de Metz. L'ancien propriétaire, Pierre Des Guillons, vend. Le prix n'est pas mentionné dans les archives conservées, mais il devait être conséquent. Une seigneurie complète avec haute justice, moulin banal, droits féodaux étendus, ce n'est pas donné. François investit une partie de la fortune accumulée dans ses charges administratives.
Pourquoi acheter Bazoncourt ? D'abord pour diversifier son patrimoine. Les charges administratives rapportent bien, mais la terre reste la valeur refuge de l'Ancien Régime. Ensuite pour asseoir son statut social. Posséder une seigneurie avec tous ses attributs confirme l'appartenance à l'élite, même quand on vient de la finance et de l'administration plutôt que des armes. Enfin pour s'assurer des revenus fonciers stables. Les gages des charges peuvent fluctuer selon les caprices du pouvoir, mais la terre nourrit toujours son homme.
François apporte à Bazoncourt ce qu'il maîtrise le mieux : les méthodes de gestion administrative qu'il a perfectionnées au service du roi. Rigueur comptable, optimisation des revenus, contrôle strict des droits seigneuriaux. Pas de sentimentalisme ni de paternalisme d'ancien régime. Une approche rationnelle, presque moderne dans sa logique économique. Le moulin devient une ligne dans un grand livre de comptes tenu à Paris.
Car François, justement, ne réside pas à Bazoncourt. Basé à Paris où il exerce ses charges, il administre le domaine par l'intermédiaire d'intendants locaux. Comme les Simiane avant lui, il pratique l'absentéisme seigneurial. Mais son expérience administrative lui permet d'optimiser l'exploitation à distance. Les rapports remontent régulièrement vers la capitale. Les ordres redescendent. Le moulin tourne sous surveillance bureaucratique.
Les droits de banalité restent strictement appliqués. Tous les habitants de Bazoncourt et des environs doivent moudre leur grain au moulin seigneurial. Les amendes pour contravention sont rigoureusement perçues. François connaît la valeur de chaque droit, de chaque redevance. Son expérience de recepteur général des domaines l'a formé à ne rien laisser échapper. Les meules tournent régulièrement, le grain afflue, les revenus remontent vers Paris où ils viennent gonfler le patrimoine familial.
La période voit probablement quelques améliorations techniques au moulin. Les années 1700-1720 correspondent à une phase de modernisation progressive de la meunerie française. On perfectionne les mécanismes, on améliore l'efficacité des meules, on rationalise les circuits de manutention. Rien de spectaculaire encore. Les grandes innovations n'interviendront qu'au milieu du siècle. Mais on sent déjà le souci d'efficacité, de rendement, qui caractérise cette époque de rationalisation économique.
Marguerite GEOFFROY décède en 1715, dix ans avant son époux. Durant les dernières années du mariage, elle a probablement joué un rôle dans la gestion quotidienne du patrimoine familial. C'était courant dans l'aristocratie d'Ancien Régime. Les femmes de cette classe, bien éduquées et rompues aux affaires, géraient souvent les domaines pendant que leurs époux se consacraient à leurs charges. Marguerite tenait peut-être la comptabilité, supervisait les intendants, vérifiait les revenus du moulin. Une participation discrète mais réelle au gouvernement du patrimoine.
Son décès laisse François veuf à 65 ans environ. Il lui survit dix ans, maintenant sa position et ses charges jusqu'à sa mort en février 1725 à Paris. Soixante-quinze ans, un âge respectable qui témoigne d'une vie relativement confortable. Préservée des grandes épreuves physiques que connaissaient les classes populaires, nourrie correctement, soignée quand nécessaire, la vie d'un grand commis de l'État permettait d'espérer une certaine longévité.
À sa mort, les héritiers décident rapidement de vendre la seigneurie de Bazoncourt. Cette décision reflète l'évolution des stratégies patrimoniales. La nouvelle génération, solidement établie dans les charges parlementaires à Metz, préfère investir dans d'autres biens. Plus proches de leur lieu de résidence peut-être, ou plus rentables. Bazoncourt, domaine isolé dans le Pays messin, ne présente plus le même intérêt pour une famille désormais ancrée dans la magistrature messine.
Le 9 août 1725, un acte notarié reçu par maître Coudin à Paris officialise la vente à Isaac de Montmerqué de Fontenelle, écuyer et fermier général de Sa Majesté. La seigneurie change à nouveau de mains. On passe d'une famille de magistrats à une famille de financiers. Mais dans les deux cas, on reste dans le même monde : celui des élites administratives et financières de la monarchie, loin des anciens seigneurs guerriers.
La période RAFFY marque ainsi une étape dans l'évolution du moulin de Bazoncourt. Vingt ans de gestion administrative rigoureuse, d'exploitation rationnelle des droits seigneuriaux, de maintien de la rentabilité. Le contexte de paix relative après les troubles de la fin du XVIIe siècle facilite les choses. Le moulin continue son travail imperturbable. Broie le grain, nourrit la population locale, génère des revenus pour des propriétaires de plus en plus lointains mais de plus en plus professionnels dans leur approche gestionnaire. Une évolution qui préfigure déjà les transformations économiques du siècle des Lumières.
Sources : Geneanet - François DE RAFFY - Marguerite GEOFFROY - Les Grands Rois.md
1708 : Présence du Moulin sur une carte de Gaspard Baillieul
Carte - Partie du cours de la Moselle où se trouvent le Pays Messin, les villes de Metz, Luxembourg, Thionville et Pont-à-Mousson par le Sr. Gaspard Baillieul - 1708
Cette carte de 1708 par Gaspard Baillieul constitue un document précieux qui précède de près d'un demi-siècle les célèbres cartes de Cassini. Elle révèle l'état de la région et l'importance des infrastructures hydrauliques au début du XVIIIe siècle.
Baillieul développe une symbolique particulière pour figurer les moulins, utilisant des roues à aubes schématisées qui seront effectivement reprises par Cassini vers 1756-1760. Cette continuité dans la représentation cartographique témoigne de l'importance économique de ces installations hydrauliques dans l'économie locale.
La carte révèle une densité remarquable de moulins le long de la Nied française : le moulin de Sanry-sur-Nied, le moulin de Bazencour (actuel Bazoncourt), le moulin d'Ancerville, ainsi que plusieurs autres installations en amont. Cette concentration témoigne de l'activité économique intense de la vallée de la Nied française au début du XVIIIe siècle.
Comme souligné dans l'analyse, la carte présente des approximations importantes. En prenant la Nied française comme référence, les positions de Lemud (orthographié "Lemeu") et Stoncourt ne correspondent pas à la réalité géographique actuelle. Cette imprécision était courante dans la cartographie du début du XVIIIe siècle, avant les méthodes de triangulation systématiques développées par la famille Cassini.
L'indication d'un pont en aval du Moulin de Bazoncourt est particulièrement intéressante. Il s'agit très probablement de l'ancêtre du pont actuel, confirmant la permanence de ce franchissement stratégique de la Nied sur plus de trois siècles.
Les variations orthographiques - "Bazencour" pour Bazoncourt, "Wackremont" pour Vaucremont, "Lemeu" pour Lemud - reflètent l'état de la langue et de l'orthographe locales au début du XVIIIe siècle, témoignant de l'évolution linguistique régionale.
Cette carte de Baillieul s'inscrit dans la lignée des efforts cartographiques qui aboutiront aux cartes de Cassini, montrant déjà l'importance accordée aux infrastructures hydrauliques dans l'économie locale. Elle constitue un maillon essentiel entre les cartes rudimentaires du XVIIe siècle et la révolution cartographique des Cassini, révélant la continuité de l'activité meunière dans la vallée de la Nied française.
vers 1720 : L'évolution des meules au début du XVIIIe siècle
Au début du XVIIIe siècle, le Moulin de Bazoncourt, comme tous les moulins lorrains, utilise encore les grandes meules traditionnelles de deux mètres de diamètre. Cette dimension excessive était nécessaire avec les mécanismes simples de l'époque pour obtenir la vitesse requise pour une mouture efficace. Ces meules bombées, héritées des techniques médiévales, caractérisent la meunerie que connaît le moulin sous Pierre Des Guillons.
Cette forme bombée des meules avait déjà été critiquée par Parmentier et certains de ses contemporains, mais sans succès. Des innovations comme celles du mécanicien provençal Fabre, qui utilisait des meules planes d'un mètre et demi de diamètre avec des secteurs alternativement renfoncés et relevés, restaient marginales et inconnues en Lorraine. Cette conception, précurseur du rayonnage moderne, offrait pourtant une vision plus juste du mode de travail des meules.
Les meuniers lorrains, attachés aux traditions et méfiants envers les innovations, resteront absolument réfractaires à ces changements. Les grandes meules bombées persisteront en Lorraine jusqu'aux années 1840, témoignant de la forte résistance au changement qui caractérise cette époque de transition, alors que d'autres régions adoptaient déjà les innovations techniques.
Sources : Histoire de la meunerie lorraine
1725 - 1754 : Isaac Monmerqué, nouveau propriétaire seigneurial
Propriétaire de 1731 à 1754 : Isaac MONMERQUÉ (vers 1680 - avant 1742) écuyer Seigneur de Bazoncourt et autres lieux
Épouse : Anne FLEUTOT DE DOMGERMAIN (décédée le 11 avril 1760) - mariage le 19 septembre 1718 à Paris
Isaac Monmerqué incarne parfaitement l'ascension sociale de la bourgeoisie parisienne au début du XVIIIe siècle. Né vers 1680, il appartient à une famille de fermiers généraux qui a su prospérer dans les finances royales. Son père, Cyr Monmerqué († 1717), était fermier général de 1710 à 1717, occupant des postes prestigieux comme fermier des revenus de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et receveur des amendes du Parlement de Paris.
L'acquisition de la seigneurie de Bazoncourt vers 1731 représente l'apogée de sa réussite sociale. Ce domaine stratégique, avec son château, son moulin banal et ses droits seigneuriaux étendus, lui confère le statut de seigneur foncier et haut-justicier. Cette transformation du statut social - de financier parisien à seigneur lorrain - illustre les mutations de la noblesse d'Ancien Régime.
Armoirie Fleutot : D'argent, au chevron d'azur chargé d'une tête de lévrier d'or colletée de gueules, bordée, clouée et bouclée d'argent, et accompagné de 3 trompes de sable liées de pourpre, virolées et garnies d'or 2 et 1. Cimier : un lévrier naissant de l'écu, environné de pennes d'argent, de gueules et d'azur. Le tout porté d'un armet morné, avec ses lambrequins aux métaux et couleurs de l'écu.- 1730
Son mariage avec Anne Fleutot de Domgermain en 1718 scelle l'alliance entre deux familles de l'élite administrative. Anne est la fille de Bernard Fleutot de Domgermain (1653-1730), seigneur de Domgermain et trésorier de France au bureau des finances de la généralité de Metz. Cette union renforce les réseaux d'influence entre Paris et la Lorraine.
Entre 1718 et 1722, plusieurs enfants naissent : Anne-Thérèse de Monmerqué en 1718, Bernard Monmerqué baptisé le 9 septembre 1720 à l'église Saint-Maximin de Metz, Isaac Nicolas Louis Monmerqué né le 10 avril 1722. La famille s'installe progressivement en Lorraine, comme en témoigne le baptême de leur fils Bernard à Metz en 1720. Cette implantation locale prépare l'acquisition future du domaine de Bazoncourt et marque le début de l'enracinement familial dans la région messine.
L'acquisition de Bazoncourt par Isaac Monmerqué vers 1731 s'inscrit dans une stratégie patrimoniale cohérente. Après avoir consolidé sa fortune dans les fermes générales parisiennes, il investit dans la terre, source de prestige social et de revenus durables. Cette transition du secteur financier vers la propriété foncière caractérise l'évolution des élites du XVIIIe siècle.
Isaac Monmerqué apporte une gestion moderne à un domaine féodal traditionnel. Son expérience des finances royales lui permet d'optimiser la rentabilité du moulin et d'améliorer l'exploitation des droits seigneuriaux.
L'acquisition se fait probablement après la mort de Pierre Des Guillons, précédent propriétaire. La transition s'effectue dans un contexte de modernisation des structures seigneuriales, où les anciens droits monastiques cèdent définitivement la place à l'entrepreneuriat noble privé.
Sous Isaac Monmerqué, le moulin connaît une période de stabilité et d'amélioration technique. Les documents montrent une attention particulière portée à l'entretien des équipements, notamment des meules, et à la gestion des conflits avec les artisans locaux. Cette approche gestionnaire reflète l'expertise financière acquise dans l'administration royale.
François Lapicida, meunier en place dès 1731, bénéficie d'une certaine autonomie dans la gestion quotidienne tout en restant sous l'autorité seigneuriale. Cette relation contractuelle moderne préfigure l'évolution des rapports sociaux dans la seigneurie.
La mort prématurée d'Isaac Monmerqué (avant 1742) laisse Anne Fleutot de Domgermain veuve avec de jeunes enfants. Elle assure la continuité de la gestion seigneuriale avec compétence, comme en témoignent les documents de 1743 concernant le renouvellement des meules du moulin.
Cette période de régence féminine, courante dans la noblesse d'Ancien Régime, démontre le rôle crucial des femmes dans la préservation et la transmission du patrimoine familial. Anne Fleutot maintient l'activité du moulin et prépare la future vente du domaine aux Courten en 1754.
1727 : La visite du moulin, un état des lieux impitoyable
Le 23 avril 1727, à neuf heures du matin, une petite troupe se rassemble devant le moulin. Isaac Monmerqué, seigneur de Bazoncourt, arrive en premier. Face à lui : Joseph François, le meunier sortant qui achève ce jour même son bail, et François Lapicida, meunier au moulin de Banée, qui doit lui succéder. L'atmosphère est tendue. On sait qu'il va falloir dresser la liste de tout ce qui ne va pas.
Le maire George Le Rond et le greffier Noirel sont là pour donner un cadre légal à la procédure. Chaque partie nomme son expert : Monmerqué choisit Dominique Henquin du moulin de Courcelles-sur-Nied, Joseph François et Lapicida désignent Claude Adam du moulin de Remilly. Deux hommes du métier qui connaissent les rouages, les pierres, les charpentes. Ils prêtent serment, promettent de tout noter avec exactitude.
La visite commence. Les experts mesurent d'abord les meules, ces énormes pierres qui broient le grain. La meule courante (celle qui tourne) affiche onze pouces d'épaisseur d'un côté, presque autant de l'autre. Onze pouces moins deux lignes exactement sur les filières, ces rainures creusées dans la pierre. La gisante, celle du dessous, a douze pouces. Des mesures précises qui détermineront plus tard le montant des dédommagements. Chaque pouce perdu coûtera dix livres au meunier sortant.
Puis vient le verdict, brutal dans sa répétition : "de nul valeur". Les mays (ces récipients qui alimentent les meules) ne valent rien. Le buché non plus. Les deux brayes qui portent la pelly et la lanterne ? Inutilisables. L'empeugrare, ce mécanisme qui permet de régler l'écartement des meules ? À remplacer. Tout cela reste à la charge de Joseph François.
Mécanisme typique d'un moulin à eau du XVIIIe siècle
Heureusement, le rouet et l'arbre du moulin tiennent bon. Ce sont les pièces maîtresses, celles qui transmettent la force de l'eau aux meules. Mais le "hollandaige" (ce système complexe de levage des meules) est complètement foutu, avec les bayards dessus et dessous. Dans les deux dépenaies des grands vantaux, il manque quatre planches. Encore une dette pour Joseph François.
Les experts passent ensuite aux bâtiments. Au-dessus de l'écurie, il faut quatre poutres et deux planches de sapin. Une éche du moulin est cassée, peut-être réparable, si Joseph François y parvient. Dans la chambre au four, il manque un cadre de bois de chêne. L'allée de l'écurie réclame une porte neuve. La vacherie a ses murs lézardés, des brèches à boucher. Le grenier à foin attend lui aussi une porte.
À la gerbière (là où on stocke les gerbes de céréales), le volet ne vaut plus rien. Il n'y a ni layette pour le blé ni pognet. Le planché sous la chambrette est pourri. L'escalier qui monte au moulage ne tient plus. Une fenêtre réclame un cadre de chêne et un volet de sapin. Devant la chambre du meunier, une planche entière et trois bouts manquent.
Le four nécessite une embouchure d'une dizaine de briques. La chambre au four elle-même doit être recrépie, ses brèches et fentes colmatées. Le pont devant les vantaux exige des planches neuves. Les vannes des deux côtés doivent être remises à l'ancienne et leurs ébrèchures réparées, encore aux frais de Joseph François.
Ce jourdʼhuy vingt troisième Avril mil sept cent vingt sept neuf heures du matin Pardevant Nous Maire et Gens de Justice de la terre et seigneurie de Bazoncourt sont comparu au Moulin dud. lieu Monsieur Isaac Monnerqué Escuier Seigneur dud. Bazoncourt dʼune part et Joseph François munier audit moulin jusquʼaujourdʼhuy seulement et François Lapicida, aussi munier au moulin de Banée dʼautre part.
Lesquelles parties Nous ont dit quʼétant sur le devoir de faire faire une visitte de toutes les réparations qui sont à faire dans ledit moulin de Bazoncourt et pour obvier aux frais lesdites parties ont nommé et nomment pour y procéder sçavoir de la part dud. seigneur la personne de Dominique Henquin munier au moulin de Courcelles sur Nied, et pour et aux noms desd. Joseph François et dud. Lapicida la marque de Claude Adam munier au moulin de Remilly tous deux experts nommés de la part des Parties. [...]
Et à lʼinstant lesdits Adam et Henquin ont procédé à la visite des dites réparations :
Et premier après avoir veu et visité les pierres meules mulantes et les avoir meuzré ils ont trouvé que la pierre courante a actuellement onze pouces dʼun costé et de lʼautre costé onze pouces moins deux lignes sur les filières de la courante. La Gissante a dʼépesseur douze pouces de Roy.
Les mays sont de nul valeur. Le Buché aussy de nul valeur. Les deux Brayes aussy de nulx valeur qui porte la pelly et la lanterne et empeugrare sa trouvé de nul valeur et qui sont à la charge de Joseph François pressédant munier.
Le Rouet et lʼarbre du moulin sont trouvé bon et recevvable.
Le Hollandaige toutte entier de nul valleur avec les Bayard (?) de dessus et dessous de nul valeur avec le coupe de Malla (?) le tout de nul valeur.
Dans les deux dépénées des deux grand vantaux il y manqué quatre planches qui sont à la charge dud. Joseph François. [...]
Il faut un cadre de bois de chêne dans la chambre au four. Il faut une porte toute à neuf à lʼallée de lʼécurie. Il faut dans la vacherie rengroutter la muraille et boucher les brèches qui sont à la charge dud. François. Il faut une porte tout à neuf au grenier à foin. Il faut un volet à la gerbière à la place de ce qui est de nul valeur.
Il nʼy a point de Laiette à mettre le bléd ny de pognet. Le planché de dessous de la chambrrette et de nul valeur. Lʼescallier pour monter au moulage de nul valeur. [...]
Le cordage ou câble qui sert à lever la pierre meullant est en bon estat et appartient au moulin.
Fait audit moulin de Bazoncourt ledit jour vingt troisième Avril mil sept vingt sept.
Contrôlé à Remilly le 3 May 1727 par Bastien qui a receu douze sols.
À l'entrée du moulin, il faut un cadre de chêne, une porte du même bois, une forte serrure et deux verrous. Seul point positif : le cordage qui sert à lever la pierre meulante est en bon état et appartient au moulin. Joseph François doit aussi remettre la planche au-dessus du moulage et rapporter les deux petites mesures à prendre le droit de mouture.
Ce procès-verbal révèle l'usure d'un lieu de travail intensif. Joseph François n'a manifestement pas entretenu le moulin comme il aurait dû. Peut-être a-t-il manqué de moyens, peut-être de temps ou de volonté. Les experts ont tout noté, tout chiffré. François Lapicida sait maintenant dans quoi il s'engage. Le document sera contrôlé à Remilly le 3 mai, le greffier Bastien touchera douze sols pour l'enregistrement.
Cette visite montre aussi l'organisation sociale du monde des moulins. Les meuniers des environs – Courcelles, Remilly, Banée – forment une communauté professionnelle. Ils se connaissent, s'entraident, se jugent mutuellement. Quand il faut expertiser un moulin, on fait appel à des pairs qui comprennent les enjeux techniques et économiques.
Sources : ADM - Greffe de la Justice de Bazoncourt, 23 avril 1727
1731 : Inventaire de succession de Marie Houillon, François Lapicida
Propriétaire de 1731 à 1754 : Isaac MONMERQUÉ (vers 1680 X 19 sept. 1718) escuyer Seigneur de Bazoncourt et autres lieux. Receveur des consignations du Parlement de Metz
Épouse : Anne FLEUTOT DE DOMGERMAIN - mariage le 19 sept 1718
Meunier (1731 - avant 1742) : François LAPICIDA (1695-19 mai 1770 à Lorry-Mardigny) - Meunier à Lorry Mardigny en 1758.
Épouse 1 : Marie HOUILLON (1697 - 21 mai 1730 à Bazoncourt)
Épouse 2 : Anne MOGARD (1704 - 3 mai 1758 à Lorry-Mardigny) - Mariage le 23 janvier 1731 à Servigny-lès-Raville.
François Lapicida est le meunier du moulin en 1731 et un inventaire détaillé de ses biens est réalisé le 21 février 1731 à Bazoncourt, suite au décès de sa première épouse, Marie Houillon, probablement suite à la naissance de sa fille Christine morte née. Ce document, établi pour la gestion de la succession en présence de leurs enfants mineurs (Jean, Joseph, Louis, François et Marie), inclut une variété de biens mobiliers tels que du linge de maison, des vêtements de femme, des meubles en bois de chêne, ainsi que divers ustensiles de cuisine et équipements domestiques. L'inventaire mentionne également des animaux de ferme et estime la valeur totale des biens à deux cent cinq livres tournois. Ces biens sont temporairement confiés à Lapicida pour gestion jusqu'à la majorité des enfants, sans charges supplémentaires pour leur entretien ou leur éducation.
Inventaire fait devant Nous, Maire et gens de Justice de Bazoncourt, à la requête de François Lapicida, Meunier au Moulin du Lieu, au Nom et comme père et tuteur naturel des enfants mineurs, issus de lui et Marie Houillon, la première femme défunte, leur mère. De tous les meubles et effets, titres papiers et enseignements de la succession et communauté entre ledit Lapicida et ladite défunte Houillon en conséquence et du consentement de Dominique Houillon, grand-père aux dits mineurs du côté maternel auquel inventaire a été procédé par nous et rédigé par écrit par Nicolas Noirel, greffier en cette justice, en présence de ceux-ci vingt et unième février mil sept cent trente et un.
Premièrement
Dans la chambre de devant, il fut trouvé une armoire bois de chêne avec sa ferrure dans laquelle il s'est trouvé onze draps toile de chanvre et d'étoupe, une douzaine de serviettes toile de chanvre, quatre tayes de lits plus encore une autre taye. Le même tiroir deux de toile rayée et les trois autres d'étoupe plus quatre nappes de chanvre.
Un coffre bois de chêne fermant avec serrure dans lequel il fut trouvé, une camisole à usage de femmes d'estaminet, une autre d'estamette, une autre de drap noir et une autre d'ouatine, le tout à usage de femme; Plus quatre jupes dont une noire de drap, une ratine violée, une de molleton aussi violée et l'autre de tridaine rayée. Le tout à usage de femme et deux tabliers... un de chamois et l'autre estaminé plus cinq chemises à usage de femme.
Une caogée bois de chêne sur laquelle il y a trois lits de plume dont deux lits entayés de taye rayée et l'autre... Un oreiller et deux traversins aussi entayés toile de chanvre et deux draps toile de chanvre avec une vieille garniture avec son tour de lit...
Une table de bois de chêne, plus deux couches bois de chêne avec deux vieux lits et deux autres lits entayés de deux draps toile d'étoupe et trois traversins entayés d'étoupe.
Dans la cuisine, il fut trouvé un dressoir bois de chêne sur lequel deux grands chaudrons et trois plus petits aussi devant une échaffette, une casserole, une tourtière, une passoire. Le tout devant, trois pots de fer de différente grandeur, un petit pot de cuisine, un grand chaudron de fer, une poêle à frire, une cuillère de pot, une écumoire, une grille, une bougie. Le tout de fer et un crémaillère, quatorze assiettes, trois plats, un pot attise, une aiguière, une gamelle, une salière, une douzaine et demie de cuillères devant le tout, deux moulins à piler le poivre, une paire de chenets, une petite couchette avec un lit... et un drap, deux tours à filer, avec le dévidoir, un avaloir de fer blanc environ huit livres de plumes dans un sac.
Deux vaches sous poil rouge, une et l'autre noire, neuf petits cochons avec leur mère, une douzaine d'oies, six canards et une douzaine de poules avec le coq et une lanterne de fer fondu à l'usage du moulin. L'estimation des meubles et effets si inventorisés pour la part des dits mineurs a été estimée par les dits présents à la somme de deux cent cinq livres tournois et attendu que Lapicida était sur le point de faire vendre la part des dits mineurs, il a été trouvé à propos pour les dits parents de lui laisser entre les mains les dits meubles et effets pour lui rendre compte aux dits mineurs quand ils auront eu l'âge de majorité ou émancipé pour l'âge s'y mieux ils aiment leurs payes la dite somme.
Que les dits mineurs ne soient chargés d'aucune pension nourriture, ni entretien... fait au Moulin de Bazoncourt le vingt et unième février mil sept cent trente et un.
(ADM B 4840)
Sources : (ADM B 4840 - partie 2)
1740 : Conflit entre Lapicida et les charpentiers Mouzin
Propriétaire de 1731 à 1754 : Isaac MONMERQUÉ escuyer Seigneur de Bazoncourt et autres lieux.
Épouse : Anne FLEUTOT DE DOMGERMAIN - mariage le 19 sept 1718
Meunier (1731 - avant 1742) : François LAPICIDA (1695-19 mai 1770 à Lorry-Mardigny) - Meunier à Lorry Mardigny en 1758.
Épouse 2 : Anne MOGARD (1704 - 3 mai 1758 à Lorry-Mardigny) - Mariage le 23 janvier 1731 à Servigny-lès-Raville.
Le 22 juillet 1740, un litige juridique se déroule à Bazoncourt entre les frères Mouzin, charpentiers de Pontoy, et François Lapicida, meunier du Moulin de Bazoncourt. Les Mouzin réclament à Lapicida le paiement de quatre livres dix sols pour le travail du bois qu'ils ont effectué pour lui, qu'il refuse de payer, arguant que la demande est infondée et résulte d'une vexation. Ils affirment avoir coupé et travaillé le bois selon un accord verbal, tandis que Lapicida nie toute convention formelle avec les plaignants. Le débat tourne autour de la prétention de Lapicida que les frères Mouzin auraient agi sans accord concret, une affirmation contestée par les charpentiers qui insistent sur l'accord verbal pour couper et façonner le bois. Le dossier expose les détails de leur travail dans des conditions hivernales difficiles et le non-paiement subséquent par Lapicida, qui mène à ce conflit devant la justice locale, illustrant les tensions et les dynamiques économiques de l'époque.
Lejourdhuy vingt deuxième juillet mil sept cent quarente.
pardevant Nous maire agens de justice de Bazoncourt.
En La cause dentre Nicolas et Louis Les Mouzin charpentier demeurant à Pontoy demandes aux fins de leur requeste du 18° du louvant Vigniote Le meme jour par Nicolas Noel See... en ce siege et ... au bureau de ce lieu Lors suivan par Noirel.
Contre François Lapicida, meunier au moulin dus Bazoncourt, deffendeur A L'appel de La cause Le demandeur comparant en personne atteste de conseil aux... aux fins de laditte requeste a ce que le deffendeur soit condamné a leur payer la somme de quatre livres dix sols value pour quantité de ... de bois qu'ils ont facononné pour le deffendeur et ques autre pour Le refus qu'il en a fait il soit condamné a tous les dépends a quoy ils protestent est aussy comparu, Francois Lapicida en personne attesté de conseil Lequel nous a dit, qu'il luy ... facille de sefaire renvoyer de la demande contre luy formée comme d'une pure vexation a ...vra aux dépens.
Et pour le faire ainsi dire et ordonner le comparant contres les demandeurs non recevables en leur demande ou en tous les mal fondé en réelle estant en estat d'affirmé qu'il n'a jamais fait traité par biais verballement ny autrement avec les demandeurs de luy faconner une piece de chene comme il lexpose dans leur requeste ... pourquoy il.... devan estre renvoyé de la demande avec depens est par les demandeurs a été dit que pour répondre a ce que le deffendeur vinet de dire il leur et bien inutille mais les vont faire connaître a Monsieur dans peu de mot de quoi il sagit premierement les demandeurs ayant donc fait la convendion verbal ...
Le deffendeur de Luy couper des arbres de chenes qu'il avait acheter dans le bois de Pontoy, auquel le lendemain de la convention ils se sont transportes sur les lieux et ont coupes et abatu une des dits arbres et y ayant fait et façonné.... au moins cinq coudes des de bois en raison qu'y que le defendeur les a enlever ou fait enlever sans attendre que les bois fussent mis en coudes auquelle les demandeurs ayant bien souffaire de la grande froidure quand ils ont façonné le dit bois, que depuis le temps, le deffendeur dit qu'il asffeur aux dits demandeurs un leus de trois louis, ce que cependant offir d'affirmer qu'ils n'ont eu ny comme aucune profanner qui ayant offer de L... de la par du deffendeur pour sujet C'est pourquoy que les connait tres bien qu'il y a de La grande Chene de La par du defendeur de ne pas voulloir payé une sy pettite somme que les n'a pas voulu faire une demande plus que la sol devant et que mesme qu'ils etait question qu'il en soit reglé par d'autres ouvriers il devait reglé d'avantage qu'ils n'ont fait leur demande comme estant tres juste. On espere de l'equité de Mr en estre renvoyé avec tous depends aux offres que l'on fait d'affirmer que la convention a été faite verbalement que le deffendeur est à quoy ils profiste.
Et par le demandeur comparant comme sy devant a été dit qu'il luy est courtoisde repondre au long verbiage deduit de Lapar des demandeurs qui ressemblent pouvant dire aux Entan de ... qui Ne veau ca qu'ils defend ny ce qu'il demandent il n'est question par les demandeurs de justifier leur demande comme quoy le deffendeur a fait convention verbal ou autrement avec eux qu'ils leurs payeraient la somme de quatres louis dix sols comme ils le repete tant leur demande pour la facon du chene dont sagit le faisant
(ADM B 4840)
Sources : (ADM B 4840 - partie 3)
1743 : litige concernant une somme d'argent due pour du travail de façonnage de bois.
Le 22 juillet 1743, les charpentiers Nicolas et Louis Mousin intentent une action contre François Lapicida, meunier du moulin de Bazancourt, pour non-paiement de quatre livres. Selon eux, un accord verbal avait été conclu pour façonner et fournir du bois destiné aux meules du moulin. Lapicida conteste vigoureusement, niant avoir passé commande et affirmant n'avoir jamais sollicité ce travail. Les frères Mousin soutiennent la légitimité de leur créance et espèrent que la justice locale leur donnera gain de cause.
En la cause entre Nicolas et Louis les Mouzin, charpentiers demeurant à Pontoy, demandes au fin de leur requête du 18e du courant Vignote. Le même jour par Nicolas Noel Ser... en ce siège et ... au bureau de ce lieu Louis suivant par Noel.
Contre François Lapicida, meunier au Moulin de Bazoncourt, défendeur. À l'appel de la cause le demandeur comparant en personne assisté de conseil aux fins de ladite requête et en ce que le défendeur soit condamné à leur payer la somme de quatre livres dix solsvalue pour quantité de ... de bois qu'ils ont façonné pour le défendeur et ques autre pour le refus qu'il en a fait. Il soit condamné à tous les dépends à quoi ils protestent et aussi comparu François Lapicida en personne attesté de conseil, lequel nous a dit qu'il lui ... facilité de se faire renvoyer de la demande contre lui formée comme d'une pure vexation a... aux dépens.
Et pour le faire ainsi dire et ordonner le comparant contre les demandeurs non-recevable en leur demande ou en tous les mal fondé en réelle estant d'affirmé qu'il n'a jamais fait traiter par biais verbalement ni autrement avec les demandeurs de lui façonner une pièce de chêne comme il est exposé dans leur requête... pourquoi il... devant être renvoyé de la demande avec dépens.
C'est par les demandeurs a été dit que pour répondre à ce que le défendeur vient de dire il leur est bien inutile, mais ils vont faire connaître à Monsieur dans peu de mots de quoi il s'agit premièrement les demandeurs ayant donc fait la convention verbalement. Le défendeur de lui couper des arbres de chêne qu'il avait acheté dans les bois de Pontoy, lequel dès le lendemain de la convention ils se sont transportés sur les lieux et ont coupé et abattu une des dits arbres et y ayant fait et façonné ... au moins cinq coudes de bois en raison de quoi le défendeur les a enlevés ou fait enlever sans attendre que les bois fussent mis en coudes auxquelles les demandeurs ayant bien souffert de la grande froidure quand ils ont façonné ledit bois que depuis le temps, le défendeur dit qu'il absorbent aux dits demandeurs une fois les trois bois, que cependant dit et affirmant qu'il n'est et n'y aura aucune preuve que quant au fait qu'il y avait offre de L... de la part du défendeur pour sujet. C'est pourquoi que les connaissant très bien ce qu'il y a de La grande Chêne de La part du défendeur de ne pas vouloir payer une si petite somme que les n'a pas voulu faire une demande plus que le soi devant et que même s'il était question qu'il en soit réglé par d'autres ouvriers. Il devait réglé d'avantage qu'ils n'ont fait leur demande comme étant très juste. On espère de l'équité de Me en être renvoyé avec tous dépens aux offres que l'on fait à différer que la convention a été faite verbalement que le défendeur est à quoi ils proteste.
Et par les demandeurs comparant comme soi devant a été dit qu'il lui est courtois de répondre au long verbiage déduit de La part des demandeurs qui ressemble pourtant dire Entan de ... qui Ne veux au qu'ils défend ni ce qu'il' demandent, il n'est question par les demandeurs de justifier leur demande comme quoi le défendeur a fait convention verbal ou autrement avec eux qu'ils leurs payaient la somme de quatre louis dix sols comme ils le répètent tant leur demande pour la façon du chêne dont sagit le faisant.
(ADM B 4840)
Sources : (ADM B 4840 - partie 4)
1743 : Procès-verbal de constat des meules du moulin de Bazancourt
Le 18 septembre 1743, Nicolas Noizet, maire et greffier de Bazancourt, et Nicolas Lionel, se rendent au moulin de la seigneurie à la demande de Madame Anne Fleutot, afin de constater l'état des meules.
Ils observent que l'une des meules, vieille de plus de 40 ans est fendue en deux et que l'autre est également en mauvais état. Le Lapicida (tailleur de pierre) est jugé responsable de la détérioration et devra fournir une nouvelle pierre conforme aux mesures prévues. Un procès-verbal est dressé pour servir de référence juridique, signé par les autorités locales et témoins.
Par devant nous Nicolas Noizet et Nicolas Lionel, maire et greffier en la justice de la terre et seigneurie de Bazancourt, à la réquisition de Madame Anne Fleutot veuve de Monsieur Isaac Monmorquez vivant écuyer, seigneur de Bazoncourt et autres lieux, nous nous serions transportés au moulin de ladite terre pour y descouvrir les pierres meules qui sont au moulin depuis quarante et une années, procèdent suivant la plainte de monsieur actuel en forme, la pierre meule trouvant se trouvant de mille toises, attendu qu'elle est fendue en deux pièces, payant qui épousa Servais quoique la meule bonne, l'autre pierre étant aussi quasi malette étant de Bazoncourt environ deux pieds d'ore… Formule de l'arrière et de pierre qui le commune se fournira au sieur curé et qui parait être de mille toises Laquelle est trouvée de rechange de presso pour ne point être au vieil, en bon fer trois lignes l'un par l'autre, et de hauteur cinq pouces ou demi, en somme ledit Lapicida est comptable de ladite diminution ainsi qu'il s'en oblige par son bail, et nous a requis le noter en ancien livre moulins qui réside entre mains dudit Noizet, du payant fait mention par pierre d'un moulin bourgeois de Metz, lequel ainsi a procédé à l'enquête, il se trouve le payeur, de six jours d'état qu'il nous avons dressé le présent procès- verbal pour servir en matière, dans les autres actes, fait et signé le tout fait en présence de sieur Jean-Baptiste Thomas, procureur de Madame, qui a signé avec nous, ledit Lapicida, et au moulin ledit jour.
Signatures : Thomas Nicolas Noizet, maire François Lapicida Noizet, greffier
(ADM B 4840)
Sources : (ADM B 4840 - partie 4)
1743 : Installation d'une nouvelle meule
Propriétaire de 1741 à 1754 : Anne FLEUTOT DE DOMGERMAIN - mariage le 19 sept 1718
Meunier (1731 - avant 1742) : François LAPICIDA (1695-19 mai 1770 à Lorry-Mardigny) - Meunier à Lorry Mardigny en 1758.
Épouse 2 : Anne MOGARD (1704 - 3 mai 1758 à Lorry-Mardigny) - Mariage le 23 janvier 1731 à Servigny-lès-Raville.
L'installation d'une nouvelle meule en 1743 illustre parfaitement les techniques meunières traditionnelles de l'époque. La nouvelle meule, d'une qualité prometteuse, mesure 28 cm de largeur à l'œil, 91 cm sur la filière et 167 cm de hauteur, dimensions caractéristiques des grandes meules lorraines du XVIIIe siècle.
Cette opération, financée par Madame Anne Fleutot, révèle l'importance capitale de la qualité des meules pour la rentabilité du moulin. L'ancienne meule, âgée de plus de 40 ans et fendue en deux, ne pouvait fonctionner que grâce à une réparation précaire avec un lien de fer, témoignant de l'usure rapide de ces équipements et de la nécessité de réparations fréquentes.
Le remplacement s'inscrit dans la logique de maintenance des équipements traditionnels, avant l'arrivée des innovations techniques qui transformeront la meunerie au siècle suivant. Pierre Cusus Muriee, bourgeois de Metz chargé de l'installation, représente le savoir-faire artisanal spécialisé nécessaire à ces opérations délicates.
(ADM B4840)
1749 : Mise en vente du château et son Moulin dans "Affiches de Paris"

Le 20 novembre 1749, parait une annonce dans les "Affiches de Paris". Le domaine de Bazoncourt, mis en vente près de Metz, comprend une vaste étendue de terres dotée d'un château entouré de fossés secs pouvant être remplis rapidement. Ce château dispose de ponts-levis, de multiples dépendances comme un colombier, des granges, et une chapelle, ainsi que de nombreuses infrastructures agricoles incluant des pressoirs et des maréchalerie.
Le Moulin de Bazoncourt, essentiel à la vie locale, figure également parmi les propriétés mises en vente, soulignant son intégration étroite dans le quotidien des habitants qui y sont soumis au ban. Les terres comprennent des jardins, potagers, vergers, vignes, et prés, en plus de cent soixante journaux de bois. Les droits liés à ces terres sont vastes, incluant la chasse, la justice à plusieurs niveaux, et des droits de pêche, accentuant l'importance et la valeur de ce domaine au sein de la région.
Sources : Les Affiches de Paris - 20 nov. 1749
TERRES.
GRANDE & Belle Terre & Seigneurie appelée Bazoncourt, fituée près la ville de Metz, à vendre par licitation au Châtelet de Paris ; cette terre confifte en château entouré de fossés secs, revêtus de murailles, on peut les remplir en vingt-quatre heures d'eau vive ; ponts-levis, cour, colombier, bassecour, contenant maisons, chapelle fondée, pressoirs, granges, marcasseries, jardins, potagers, & vergers ; plusieurs maisons, tant audit Bazoncourt, qu'aux environs ; terres labourables, vignes, prés ; cent soixante journaux de bois en coupe ; droit de chasse ; haute, moyenne, & basse justice amendes, épaves, cons ilcation, & autres amendes ; moulin où tous les habitans dudit Bazoncourt sont bannaux ; droit de rivière & de pêche ; pressoirs situés au village de Vanermont, où tous les habitans de Bazoncourt & de Vanermont sont bannaux ; rentes en argent, chapons & poules ; chaque habitant doit au Seigneur demi-quart de bled pour le droit de four qu'ils ont racheté ; droits de corvée au Breuil par les habitans & porte- riens, qui doivent faucher, semer, & mettre en monceau, & les laboureurs faire chacun quatre voitures dudit au Breuil au château, ou une à la ville de Metz, au choix du Seigneur, & les laboureurs, porte-riens de même ; tous les habitans doivent ensemble, les porte-riens un jour de corvée au Seigneur ; Lavoir, à facler aux bleds, autant aux mariages, une à seiller, une à lever aux avoines, & une a vendanger, s'entend les manœuvres ; & tous les laboureurs doivent une journée de charue à chacune culture, tant pour les bleds que pour les mars ages, comme auss i les laboureurs porte-riens : le Seigneur de Bazoncourt est reconnu pour Seigneur voué pour les trois quarts de la terre & seigneurie de Ban-Saint-Pierre, & premier Seigneur haut-justicier de la terre & seigneurie du Ban-Saint-Pierre, pour un seizième ; il lui appartient au Breuil dudit Ban-Saint-Pierre un seizième & un quart environ des amendes seigneurales, & différentes rentes en chapons, poules, bled ; le droit de prendre & percevoir par chacun an deux chars de soin tout sené, prêt à mettre & charger dans la prairie de Saint- Arnault, sur la chausse du moulin d'Ancerville, avec faculté de charger à volonté, pourvu que quatre chevaux puissent sortir du pré ; l'adjudication s'en fera a la fin du mois de Décembre 1749, ou au commendement de Janvier suivant. S'adresse à Madame de MontmerquÉ de Bazoncourt, rue des Fossés Mont-martre ; ou à M. Dumaige, Procureur au Châtelet, rue Grenier S. Lazare, pousuivant la licitation.
1751 : Une année de mutations
Le 14 janvier 1751, un nouveau bail se signe. Anne Fleutot, veuve d'Isaac Monmerqué et dame de Bassoncourt, fait appel à Pierre De La Motte, son fondé de procuration depuis juillet 1750. Elle a besoin de quelqu'un pour gérer ses terres, et notamment ce moulin qui change si souvent de mains. De La Motte s'occupe des affaires, des baux, des contrôles. Il représente la propriétaire absente.
Cette fois, le moulin part pour neuf ans. De la Saint-Georges 1751 à la Saint-Georges 1760. Les preneurs forment une famille : François Jacques, actuellement meunier à Fleury, sa femme Christine Barbé, et leur fils Jean Jacques. Trois personnes pour faire tourner le moulin, s'occuper des prés, entretenir les bâtiments. Le bail ne se contente pas du moulin lui-même. Il englobe un pré de l'autre côté de la rivière de Lumen, un autre sur la réserve, au lieu du patrual en bas du Breuil. Plus la chènevière, le jardin, et le droit de pêche sur la Nied.
Le loyer s'élève à huit cent cinquante livres par an, payables en deux fois : moitié à la Saint-Martin, moitié à la Saint-Georges suivante. Une somme considérable qui mesure la valeur du moulin et de ses dépendances. François Jacques et sa famille devront respecter les ordonnances des plaids annaux en faveur des bannaux (ces règles qui protègent le monopole du moulin seigneurial). Les infractions coûtent cher.
Le bail détaille les responsabilités. Les "menues et grosses réparations" du moulin, du pont, de la vannerie incombent au meunier. Exception faite des "vilains fondoirs du côté de la rivière" (ces parties structurelles qui concernent la propriétaire). Clause importante : à la fin du bail, François Jacques devra payer dix livres tournois pour chaque pouce dont les pierres meules auront diminué. Une façon d'obliger le meunier à préserver son outil de travail.
L'usure des meules constituait une préoccupation majeure dans les baux de moulins
Dès l'entrée, une "visitée reconnoissance" doit être faite avec le meunier sortant. François Jacques est subrogé aux droits de la dame pour mener cette inspection et faire exécuter les réparations nécessaires. Il devra fournir l'acte de visite à ses frais. Aucune indemnité ne sera versée pour les périodes de chômage liées aux travaux.
Les roseaux de la rivière peuvent être utilisés, mais seulement ceux de la réserve et ceux qui poussent côté prairie de Bassoncourt, entre la rue de la ville et le pré du Potet. À la sortie, les prés, le moulin et toutes les dépendances devront être rendus en bon état, à dire d'experts et aux frais du meunier. Interdiction formelle de sous-louer, que ce soit le moulin ou les prés. Seul le consentement écrit du propriétaire pourrait lever cette restriction.
La pêche aussi est réglementée. Seuls les domestiques reconnus peuvent pêcher, et ils devront "borner toute la vanne de sollequis". Défense de laisser passer des voitures sur le pont du moulin, sous peine d'un écu d'amende par véhicule. Chaque semaine, François Jacques livrera environ trois livres de poisson à la dame ou à ses représentants : brochet ou perche à raison d'un escalin la livre, petit poisson à quatre sols.
Dernière obligation, essentielle : occuper personnellement le moulin. François Jacques et sa famille doivent y conduire leurs meubles, leurs chevaux, leurs bestiaux, leurs équipages pour la Saint-Georges. L'exploitation doit rester familiale, directe. Faute de quoi le bail serait nul. Tous les biens des preneurs (présents et à venir) sont soumis "à toutes justices et juridictions" pour garantir l'indemnité de la dame en cas de manquement.
Ce jourd'huy quatorzième Janvier mil sept cent cinquante et un je soussigné Pierre De La Motte fondé de procuration en datte du cinquième Juillet mil sept cent cinquante de la part de la dame Anne Fleuot veuve de Messire Isaac Monmerqué, et dame de Bassoncourt et en partie de Ban Saint Pierrex, reconnois avoir laissé à bail pour neuf années consécutives à commencer à la Saint Georges prochaine pour finir à pareil jour de l'année mil sept cent soixante aux nommés François Jacques actuellement meunier de Fleuri, à Christine Barbé sa femme et luy autorisée à l'effet des présentes et à Jean Jaques fils du susdit et de lui pareillement autorisé le moulin dépendant de ladite seigneurie de Bassoncourt situé sur la rivière de Nied avec ses dépendances [...]
Le tout pour et moyennant la somme de huit cent cinquante livres pour chacune année du présent bail payable par moitié et en deux termes, dont le premier à la Saint Martin et le second à la Saint Georges suivante [...]
Le preneur sera tenu des menues et grosses réparations dud. moulin, du pont et de la vannerie, à la réserve néanmoins des vilains fondoirs du côté de la rivière; que le dit preneur sera tenu de payer dix livres tournois de chaque pouce dont se trouveront diminué les pierres meules du dit Moulin à la fin du présent bail [...]
Faits double à Metz les dits jour et ans que dessus entre les parties qui ont signé.
signé : François Jaque. François Choné. Jacque Clet. De la Mothe.
Comme François Jacques ne peut pas fournir de caution, deux beaux-frères se portent garants solidairement : François Choné, amodiataire à Fleury, et Jacques Clette, maître cordonnier à Remilly. Ils certifient que les biens immeubles acquis du sieur Baillard à Flocourt sont "francs et quitte de toute dette et hypothèque", hormis trois cents livres encore dues audit Baillard. Une précaution juridique supplémentaire pour protéger la propriétaire.
Le 16 janvier, deux jours après la signature, Christine Barbé et Jean Jacques comparaissent à leur tour pour accéder au bail. Ils s'obligent conjointement et solidairement avec François Jacques. La famille est désormais liée au moulin pour neuf années.
Mais le 29 juin 1751, à peine cinq mois après son installation, François Jacques signe une reconnaissance : la nouvelle pierre gisante mesure onze pouces cinq lignes à l'aile, dix pouces onze lignes à la filière. Une pierre neuve, installée pendant ces premiers mois d'exploitation. Le moulin continue de s'user, de se renouveler, de se transformer au rythme des saisons.
Puis survient un revirement. Le 9 décembre 1751, avec le consentement du sieur De La Motte, François Jacques cède son bail. Il n'aura tenu que quelques mois. Les raisons ne sont pas explicitées dans le document. Peut-être les charges étaient-elles trop lourdes, peut-être une meilleure opportunité s'est-elle présentée ailleurs. Toujours est-il que François Cheilleta>, habitant de Luppy, et sa femme Anne Adam reprennent le flambeau.
Ils acceptent toutes les conditions du bail initial, avec une obligation supplémentaire : border de saules toute la vanne pendant l'année 1752, et les entretenir durant le bail. Les saules servent à maintenir les berges, à protéger les installations hydrauliques. François Cheillet et Anne Adam paieront directement les canons à la dame, François Jacques restant toutefois garant. Leurs biens immeubles sont "spécialement hypothéqués et affectés" pour l'exécution du bail.
Le 23 avril 1752, un an et trois mois après le premier bail, François Cheillet et Anne Adam s'engagent à laisser, à la fin du bail, une lanterne de bois pour le moulage de l'avoine. Un ajout modeste mais significatif : le moulin ne se contente pas de moudre le blé, il traite aussi l'avoine pour les chevaux et le bétail. Chaque grain a son usage, chaque usage son mécanisme.
Ce jourd'hui neuf Decembre mil sept cent cinquante un, du consentement dud. sieur De la Mothe, régisseur de la terre et seigneurie de Bassoncourt, les nommés François Jaques, tant en son nom que celui de Christine Barbé sa femme et de Jean Jaques son fils cadet qu'il promet de faire accéder aux présentes, a cédé de proche Saint Georges prochaine la jouissance du Moulin de Bassoncourt et de toutes les dépendances susdites à François Cheillet, habitant de Laupi et Anne Adam sa femme à l'effet des présentes, sous les conditions portées dans le présent bail [...]
Promettent en outre de border de saulxhes toute la vanne le courant de l'année 1752 et de les entretenir mouvement pendant le présent bail [...]
Fait et signé au château de Bassoncourt le même jour et an que ci dessus.
signé : François Jacques. Jean Jaque. Christine Barbé. François Cheillet. Anne Adam. De la Mothe.
23 avril 1752 - Nous soussignés François Cheillet et Anne Adam meunier au moulin de Bassoncourt nous engageons de laisser à la fin du présent bail une Lanterne de bois pour le moulage de l'avoine.
signé : François Cheillet. Anne Adam.
Cette année 1751 illustre la mobilité constante des meuniers. Contrairement aux propriétaires nobles qui gardent leurs terres pendant des décennies, les exploitants changent fréquemment. Un bail de neuf ans paraît long sur le papier, mais dans les faits, rares sont ceux qui le mènent à son terme. Les difficultés économiques, les mauvaises récoltes, les conflits avec le seigneur ou les usagers du moulin peuvent précipiter un départ.
Les documents de 1751 révèlent aussi la complexité juridique de ces transactions. Chaque bail implique des témoins, des garants, des reconnaissances de dettes, des hypothèques. Le moulin n'est pas seulement un outil de production, c'est un enjeu patrimonial qui engage plusieurs familles, plusieurs fortunes. La solidarité familiale (épouses, fils, beaux-frères) structure ces engagements à long terme.
Enfin, ces textes montrent l'imbrication étroite entre le moulin et son territoire. Les prés, les roseaux, la pêche, les droits de passage font partie intégrante de l'exploitation. Le meunier n'est pas qu'un artisan, c'est un gestionnaire foncier qui doit composer avec les contraintes naturelles et juridiques d'un espace complexe.
Sources : Archives privées - Baux du moulin de Bazoncourt, 1751-1752
1754 : Achat de la seigneurie par Pierre Hildebrand de COURTEN
Propriétaire : Pierre-Hildebrand de COURTEN seigneur de Bazoncourt Chevalier de Saint-Louis ()
Épouse : Anne Catherine Joseph GILLART ()

Pierre-Hildebrand, fils de Jean-Hildebrand et de Marie-Josèphe Chauvin, de la branche des Courten dite de Valenciennes, colonel d'infanterie, brigadier des armées du Roi, chevalier de Saint-Louis, seigneur de Bazoncourt, Vaucremont et Ban Saint-Pierre en partie, né à Valenciennes, paroisse Notre-Dame de la Chaussée, le 22 mars 1702. Décédé le à Bazoncourt 4 décembre 1796, enterré sous l'ossuaire. Il avait acheté, en 1754, la terre et seigneurie de Bazoncourt de la veuve et des enfants d'Isaac de MontmerquÉ de Fontenelle, écuyer, fermier général des finances du Roi ; il s'y transporta l'année suivante. Il avait épousé, 20 mars 1746, à Valenciènes, Anne-Catherine-Joseph Gillart, fille d'Antoine-Joseph Gillart, prévôt de la ville, seigneur de Courtil, et d'Anne-Cécile Claro, laquelle mourut en 1797 à Bazoncourt.
Le contrat d'acquisition est passé à Paris au mois de janvier 1754. Ce titre ainsi que les commissions militaires de Pierre-Hildebrand et les papiers concernant l'exercice de la juridiction seigneuriale ont été saisis au château de Bazoncourt pendant la révolution, et transportés au district de Boulay où ils ont été détruits.
Sources : 1885 - Famille De Courten - page 78
1760-1761 : Présence du Moulin sur les cartes de Cassini
Le moulin y est représenté par son symbole spécifique, tandis que la "Maison" indique très probablement des bâtiments annexes agricoles. L'inventaire de succession de Marie Houillon (1731) confirme que le moulin constituait un lieu de vie complet, avec "la chambre de devant", "la cuisine", le mobilier et les animaux de ferme, attestant que la famille du meunier résidait directement dans les bâtiments de la meunerie.
La "Maison" sur la carte de Cassini correspond donc aux dépendances agricoles (écuries, granges, hangars) nécessaires à l'exploitation, distinctes du moulin-habitation proprement dit.
Bazoncourt se trouve sur la feuille 141 – Metz de la carte de Cassini. D'après la documentation conservée à la Cartothèque de l'I.G.N., les levés topographiques de cette feuille ont été réalisés en 1760-1761 par les équipes de César-François Cassini de Thury, tandis que la publication de la planche définitive intervient en 1765, avec des retouches ultérieures signalées.
A noter que sur cette carte historique, Bazoncourt s'écrit "Bazoncour" sans "t", et Vaucremont apparaît sous l'orthographe "Wacremont", témoignant de l'évolution de la toponymie locale.
Sources : Géoportail - Carte de Cassini | Documentation I.G.N. - Cartothèque
1762 : Achat par François WATRIN
Propriétaire de 1762 à 1800 : François WATRIN né le 30 septembre 1733 à Montoy-Flanville, décédé le 24 février 1803 à Sorbey
Épouse 1 : Marguerite MORHAIN née le 28 février 1734 à Vallières, décédée le 10 janvier 1762 à Bazoncourt. Mariage le 14 avril 1761 à Saint-Julien-lès-Metz.
Épouse 2 : Françoise DEGOURT née vers 1740, décédée le 13 mars 1768 à Bazoncourt. Mariage le 9 novembre 1762 à Beux.
Épouse 3 : Françoise HOUZELLE née en 1739, décédée le 12 octobre 1771 à Bazoncourt. Mariage le 24 janvier 1769 à Bazoncourt.
Épouse 4 : Jeanne COLSON née le 22 février 1749 à Chanville, décédée le 10 janvier 1814 à Ars-sur-Moselle
François Watrin (1733-1803) appartient à une famille de meuniers. Son père François Watrin (1691-1780) était meunier à Ancerville puis à Bonfey, son frère Jean (1723-1780) à Pange et Coin-lès-Cuvry, Joseph (1731-1793) à Louvigny, Nicolas (1736-1789) à Fleury, Coin-lès-Cuvry et Varize et Humbert (1743-1774) à Ancerville.
Marguerite MORHAIN, sa première épouse, fait aussi partie d'une famille de meuniers : son père Jean MORHAIN (1705-1756) était meunier à Noisseville puis à Vallières, ses trois frères Mathieu aux Etangs, Joseph et Jean à Vallières, ainsi que ses deux grands-pères étaient tous meuniers. Cette union unit donc deux dynasties meunières de la région mosellane.
vers 1780 : L'innovation du tire-sac
C'est au milieu du XVIIIe siècle qu'apparaît une innovation majeure qui facilite considérablement le travail quotidien au moulin : le tire-sac. Cette amélioration technique, absente des inventaires de 1727 et 1751, est probablement introduite au Moulin de Bazoncourt sous François Watrin dans les années 1760-1780. Elle révolutionne la manutention des grains et améliore les conditions de travail des meuniers.
Le premier tire-sac, actionné à bras, se compose d'un treuil en bois monté dans les combles du moulin sur deux chevalets solides. Une grosse roue en bois, reliée au treuil par des rayons, reçoit dans sa gorge une corde qui descend de part et d'autre jusqu'au rez-de-chaussée. Le sac à monter est accroché à une extrémité de la corde, tandis qu'un manœuvre exerce la traction nécessaire sur l'autre branche pour le faire monter.
Sous François Watrin, le moulin bénéficie du perfectionnement de ce système. L'amélioration consiste en une mécanisation partielle qui rend la manutention encore plus efficace. L'extrémité libre de la corde est désormais fixée à un second treuil, calé sur l'arbre mobile d'une lanterne. Au moyen d'un cordeau, cette lanterne peut être mise en prise avec les dents d'un rouet, permettant ainsi d'utiliser la force motrice du moulin. Dans cette position, la corde s'enroule automatiquement sur le treuil mobile et fait monter le sac accroché à l'autre bout sans intervention manuelle.
Cette période voit également l'adoption progressive des innovations de Rousseau (vers 1750), meunier à Saint-Denis qui révolutionne la mécanique en perfectionnant les "Pipes", quatre coins de fer combinés avec l'anille pour éliminer les vibrations des meules. Malheureusement, cette innovation reste "inconnue dans une grande partie du royaume", notamment en Lorraine où les meules demeurent "cahotantes et montées à l'ancienne mode".
Cette application mécanique rend de grands services et améliore significativement la productivité du moulin. C'est avec des modifications de détails que ce système se retrouvera dans les moulins modernes du XIXe siècle, témoignant de sa pertinence et de sa durabilité.
Sources : Histoire de la meunerie lorraine
1785 : François WATRIN et les conflits de propriété
En 1785, des conflits surgissent non pas en raison de l'acquisition elle-même, mais à cause d'un problème avec une haie entourant un pré appelé "Entre Les Fossés". Ce pré avait été clôturé conformément aux bénéfices accordés par la législation royale de 1768 concernant les clôtures. Les habitants, y compris le meunier François Vatrin, ont soutenu que cette haie et le fossé associé étaient suffisamment défensifs pour empêcher l'accès du bétail errant, nécessitant une intervention des autorités pour valider la conformité et maintenir l'ordre dans la gestion des pâturages et des droits d'eau.
Sont comparuts les nommé Francois Vatrin habitant et meunier au Moulin de Bazoncourt jean Roger habitant a vaucremont Jean-Pierre Mathiotte du dit Bazoncourt. Lesquels nous ont dit que devant profiter du Benefice de Lit de sa Majesté de l'année Mil Sept Cent Soixante Huit Concernant les clotures et comme les comparant ont fait entouré de liage seché et de fossé dans son contour un pré appelé Entre Les Fossé se trouvant de sorte que ladite Haie et fossé se trouvant en état de deffence', ils nous ont requis de nous y transporter ou etant en compagnie de notre greffier ordinaire de notre sergent des eschevins de justice des Ban Gar... Nous avons fait le tour du susdits prés dit le prés lieudit entre les fossés situé sur le ban de Bazoncourt au Po.. le prés de fleuries champs apporté a Francois Watrin au couchant Legros de Berlize et le prés Baar au midi le prés de EV.. Prevot au levant les prés de quoquittolle juchy prés dit entre les fossés entourer de haies assez deffensible et de fossés assez frofond pour empecher l'axé du betail Laquelle cloture nous avons trouvé en état et recu en conséquence ce faisons deffence a toute personne dy conduire aucune bette pour vain paturer et de ... directement ny indirectement Les compa... dans la possession et jouissance des patures et des regains du Susdit prés tant qu'il restera en état de cloture enjoignons aux bangarde et garde S.. de tenir la main à la conservation du susdit prés ainsi qu'il leur est déjà enjoint par l'arret du parlement de Metz rendu conformement a lesdits cy..vant rapelle a peine de .. repondre en leur par et privé nom des dommages et intérêts des composants et de faire tous rapport contre les delinquants qui se porteraient a y faire paturer de tous quoy avons.
Le present procé verbal pour ... Et valloir ca que de raison faite a Bazoncourt au retour du dits Lieu.
Sources : (ADM B 4840 - partie 5)
1789 : Cahier de doléances des communautés en 1789 - Baillage de Metz.
Le document de 1789 contient les remontrances, plaintes et doléances des habitants de Bazoncourt, adressées au roi. Parmi les demandes principales, le texte met en avant plusieurs aspects touchant au Moulin de Bazoncourt, notamment les "droits de banalité". Ces droits forçaient les habitants à utiliser exclusivement le moulin seigneurial pour moudre leur grain, un système considéré comme injuste et coûteux par les villageois. Ils demandaient également la suppression d'autres droits, tels que le "banvin" (droit lié à la vente du vin), et une remise en cause des charges et taxes excessives qui accablaient les habitants.
Cette époque marque aussi la codification de l'art du meunier par Bucquet (1790), qui définit les neuf savoirs essentiels du professionnel moderne : connaissance des grains, nettoyage, construction mécanique, choix des meules, rhabillage, moutures, bluteaux, mélanges et conservation. Ces standards techniques, déjà appliqués dans les régions avancées, soulignent le retard de la Lorraine où ces innovations ne seront adoptées qu'au siècle suivant.
François Watrin (orthographié "Vatrin" dans le document) est l'un des signataires du texte.
Sources : Quellen zur lothringischen geschichte - Tome 10.
1799-1800 : Rapports du garde champêtre et gestion des pâturages
Meunier (1762 - vers 1800) : François WATRIN (1733-1803)
Garde champêtre : Jacob Roos
Assesseur : François Bertrand
Maire : François Simont
2 thermidor an VII (20 juillet 1799)
Le 2 thermidor an VII (20 juillet 1799) à huit heures du matin, Jacob Roos dresse un double procès-verbal. D'une part, il gage trois truies appartenant à François Clément, laboureur, qui étaient abandonnées dans des champs ensemencés d'avoine et d'orge. D'autre part, et c'est ce qui nous intéresse particulièrement, il gage une vache et une génisse appartenant au citoyen François Watrin, meunier au Moulin de Bazoncourt, qui étaient abandonnées dans les prés "devant le moulin" en réserve pour les regains.
Il a gagé une vache et une génisse appartenant au citoyen François Watrin meunier audit Bazoncourt, qui étoi abandonnée dans les prés confin devant le moulin en reparque pour du regains pour des regains appartenant à plusieurs particuliers du village et des forains.
Lequel comparant a fait ledit rapport et affirmé véritable par devant François Bertrand assesseur du juge de paix qui a signé avec le comparant ledit jour.
F. Bertrand assesseur
Jacob Roos
1er fructidor an VII (18 août 1799)
Le 1er fructidor an VII (18 août 1799) à sept heures du matin, Jacob Roos dresse un nouveau procès-verbal pour trois chevaux trouvés abandonnés dans les mêmes prés en réserve pour les regains, sur la parcelle "devant le moulin" en amont du moulin. Les trois chevaux appartiennent à François Simont et Nicolas Noirel, tous deux laboureurs à Bazoncourt, ainsi qu'à François Watrin, meunier.
Jacob Roos F. Bertrand
Ces deux rapports successifs, à moins d'un mois d'intervalle, révèlent que François Watrin lui-même ne respectait pas toujours les règles de protection des prés en réserve. En juillet, ce sont sa vache et sa génisse qui paissent illégalement dans les regains ; en août, c'est son cheval qui se retrouve dans la même situation avec ceux des laboureurs. Cette répétition suggère soit une négligence dans la surveillance de son bétail, soit une contestation tacite des règles de pâturage.
24 messidor an VIII (13 juillet 1800)
Le 24 messidor an VIII (13 juillet 1800), François Watrin participe à une déclaration officielle devant François Simont, maire de Bazoncourt, concernant la gestion collective des pâturages. Ce document, signé par Claude Maire, Nicolas Noirel et François Watrin, établit les règles d'usage des hauts prés de chaque côté du ruisseau de la ville.
Le document révèle une exception significative : "accepté le dit meunier qui ne veut paturé que son prés à côté de la chausé du moulin". François Watrin négocie donc un arrangement distinct des autres habitants, limitant son droit de pâturage à son propre pré adjacent à la chaussée du moulin, plutôt que de participer au système collectif.
Cette position reflète probablement à la fois les besoins spécifiques du moulin (contrôle direct des terres adjacentes aux installations hydrauliques) et peut-être une volonté de limiter les obligations de compensation envers les autres propriétaires, tout en protégeant ses propres intérêts.
François Simont, maire ; Claude Maise ; François Wartin ; Noirel
Ces trois documents révèlent l'importance des prés bordant le moulin dans l'économie locale. Les "regains" (seconde coupe de foin) étaient des ressources précieuses, soigneusement protégées et réservées. Les infractions répétées de 1799, y compris celles du meunier lui-même, illustrent les tensions autour de l'usage des terres communes et des droits de pâturage. La déclaration de 1800 montre ensuite une tentative de régulation et d'organisation collective de ces usages sous la République.
Ces mentions confirment la présence continue de François Watrin au moulin encore en juillet 1800, peu avant son départ définitif vers Sorbey où il s'installe avant 1803.
Sources : ADM 58 ED 1J1 - Registres des rapports du garde-champêtre An IV - An VIII
1800 : François Watrin, dernier meunier de l'Ancien Régime
Meunier de 1762 à 1800 : François WATRIN né le 30 septembre 1733 à Montoy-Flanville, décédé le 24 février 1803 à Sorbey
Épouse finale : Jeanne COLSON (1749-1814), mariés le 29 juin 1773 à Chanville
François Watrin incarne la transition entre l'Ancien Régime et l'époque contemporaine au Moulin de Bazoncourt. Issu d'une famille de meuniers établie en Moselle depuis plusieurs générations, il a exercé son métier pendant près de quarante ans, traversant les bouleversements révolutionnaires tout en maintenant l'activité du moulin.
Sa trajectoire personnelle reflète les difficultés de l'époque : marié quatre fois successivement après avoir perdu trois épouses, François Watrin illustre la précarité de la vie au XVIIIe siècle. Avec sa dernière épouse, Jeanne Colson, il eut huit enfants entre 1774 et 1788, assurant la continuité de sa lignée.
Le document du 13 juillet 1800 révèle François Watrin encore en activité sous la République, participant activement à la gestion communale des pâturages. Ce témoignage précieux montre un meunier soucieux de préserver ses droits d'usage sur les prés bordant "la chaussée du moulin", tout en collaborant avec les autorités municipales nouvellement établies.
Cejourd'hui vingt quatre messidor an huit de la republique françoise une et indivisible, par devant moi François Simont maire de la commune de bazoncourt, et moi me soumettant aussi pour ce qui suis, sont comparus les citoyens Claude Maire et Nicolas Noirel tous les deux laboureurs du dit lieu de bazoncourt, et françois Watrin meunier au dit lieu, lesquels déclarent par ces présentes qu'ils veulent faire paturer par leurs bestiaux tout les hauts prés de chaque côté du ruisseau de ville, jusque le premier ruisseaux sur les colgrisettes, et de l'autre côté jusqu'à la rangé de bornes au dessous du coin des terres, accepté le dit meunier qui ne veut paturé que son pré à coté de la chaussé du moulin; et nous nous soumettons par ces présentes de rendre à chaque propriétaire de bovains et de bazoncourt qui ont des prés dans le dit canton de leur y (environné) dans d'autres terin de près à prorata de leur térin, et de répondre des domages environnant les dit terin que nous faisons paturé, chacun suivant le nombre de bestiaux que chacun possede. C'est ce que nous promettons maintenir pour les sous sauvegarde et avons signé le dit jour, le dit meunier de faire paturé ... sont court pour un coin de terre de devant le moulin et nepour aussi les dommages environnant les dit court.
A Bazoncourt le dit jour
françois Simont maire, Claude Maire, nicolas noirel, françois Watrin meunier.
Ce document administratif, rédigé selon le calendrier révolutionnaire (24 messidor an VIII), témoigne de l'adaptation de François Watrin aux nouveaux codes républicains. Il révèle également l'importance économique du moulin dans l'écosystème local : les droits de pâturage près de la "chaussée du moulin" étaient essentiels pour l'entretien du bétail et l'économie agricole de la commune.
François Watrin représente ainsi le dernier maillon d'une chaîne familiale meunière qui s'étendait sur plusieurs générations. Son père François (1696-1780) était meunier à Ancerville puis à Bonfey, ses frères exerçaient dans d'autres moulins de la région : Jean à Pange et Coin-lès-Cuvry, Joseph à Louvigny, Nicolas à Fleury et Varize. Cette dynastie meunière illustre l'importance des réseaux familiaux dans la transmission des savoir-faire techniques et la gestion des installations hydrauliques.
Après avoir quitté le moulin vers 1800, François Watrin s'installe à Sorbey où il décède le 24 février 1803, marquant symboliquement la fin d'une époque pour le Moulin de Bazoncourt qui entrera dès lors dans l'ère contemporaine.
La participation de François Watrin aux cahiers de doléances de 1789, où il dénonce les droits de banalité qu'il exploite pourtant, révèle les contradictions de cette période charnière. Le moulin traverse les événements révolutionnaires sans interruption majeure de son activité, mais l'abolition des droits seigneuriaux transforme radicalement son statut juridique.
Malgré les améliorations ponctuelles apportées durant le XVIIIe siècle, la meunerie lorraine reste globalement figée dans ses techniques traditionnelles. Les grandes meules bombées de deux mètres de diamètre persistent, les mécanismes demeurent rudimentaires avec leurs rouets en bois aux calages défectueux. Cette stagnation technique explique pourquoi les moulins lorrains de 1820 se retrouveront "tout à fait au même point qu'en 1789", selon les témoignages de l'époque.
Il faudra attendre les années 1820-1840 pour voir arriver les véritables révolutions techniques : l'introduction des engrenages en fonte remplaçant les rouets en bois, puis l'abandon progressif des meules bombées au profit des surfaces planes vers 1830. Ces transformations marqueront "la grande époque du passage définitif de notre meunerie absolument primitive à la meunerie moderne".
Désormais libéré des contraintes féodales, le moulin peut évoluer selon les seules logiques économiques et techniques. Cette transformation fondamentale ouvre la voie à l'époque contemporaine, marquée par la libre concurrence entre établissements meuniers et l'émergence d'une nouvelle classe d'entrepreneurs ruraux.
Le départ de François Watrin vers 1800 clôt symboliquement l'époque moderne du Moulin de Bazoncourt. S'ouvre alors une période de transition de vingt années (1800-1820), mal documentée en raison des bouleversements administratifs révolutionnaires et de la dispersion des archives seigneuriales confisquées pendant la Révolution.